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La lenteur avec laquelle les affaires s’expédient au ministère des travaux publics est proverbiale : il suffit d’interroger à ce sujet un administrateur de chemin de fer. La mort de M. de Franqueville et la retraite de M. de Boureuille, qui étaient les deux chevilles ouvrières de cette administration, ont été suivies d’une désorganisation complète. Les bureaux chôment forcément en attendant les rapports des ingénieurs, et comme ceux-ci ne sont soumis à aucune règle, qu’on n’a pas encore en la pensée de leur imposer un délai pour l’examen des dossiers qui leur sont envoyés, ils les gardent indéfiniment. Il y a toujours dans quelque coin de l’Europe un congrès auquel ils veulent prendre part, une inauguration à laquelle ils désirent assister, une expérience de rail, de frein ou de locomotive qu’ils veulent suivre, et qui les appellent à cent lieues des affaires que leur absence tient en suspens.

Il est aisé de comprendre que la multiplication des fonctionnaires ne peut que favoriser le développement de ces abus. Comment exiger du travail d’employés à qui l’on n’en a pas toujours à distribuer ? Un bureau était chargé d’une catégorie d’affaires : on le divise en deux et on double le personnel afin de créer une division ; le nombre des affaires à traiter n’augmente pas avec le nombre des employés : la besogne de chacun, au contraire, se trouve diminuée. Le fonctionnaire, trop souvent désœuvré, prend du loisir ou se crée quelque autre occupation. Comment s’assurer de son assiduité ? Tous les moyens dont on a essayé : règlemens, appels, feuilles de présence, ont été inefficaces, parce que la surveillance est trop facile à étudier. Admettons qu’on obtienne des employés une présence effective, quelle garantie a-t-on que leur temps sera consacré aux affaires publiques et non à quelque travail étranger au service ? Comment savoir ce qui se passe à l’intérieur d’un bureau dans lequel l’employé est presque toujours livré à lui-même ? Un fonctionnaire est-il pressé de terminer un travail particulier dont il attend quelque profit, quoi de plus facile pour lui que de s’assurer quelques jours de loisir : il lui suffit, pour faire prendre patience à ses chefs, de déclarer que le dossier qu’on lui a remis est incomplet et de réclamer une pièce ou de feindre de l’attendre.

Il serait cependant facile de mettre fin à ces abus, si l’on voulait rompre avec la routine administrative. Lorsqu’un incendie eut causé de graves dégâts à la partie de l’ancien ministère des finances qui avait vue sur la rue Mont-Thabor, M. Fould ne voulut point qu’on rétablit dans leur distribution première les bureaux qui avaient été détruits : il y fit substituer deux grandes salles dans lesquelles les employés de la direction générale de l’enregistrement et les employés des domaines furent installés côte à côte. Ce fut dans ces