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entraîne un chef du matériel, un architecte, une lingère et des gens de service. En voilà pour cent mille écus par an, au bas mot. Une fois installé, le nouveau ministre trouve que son département n’est pas suffisamment étoffé : le personnel est trop peu nombreux ; les cadres, trop étroits, ne se prêtent point à recevoir tous les postulans qu’il s’est engagé à pourvoir. Alors, on coupe un bureau en deux, et voilà une division créée : avec deux de ces divisions improvisées, on forme une direction ; et, si l’on peut arriver à constituer de la même façon deux directions, la place est toute trouvée pour un directeur-général. Chacun des nouveaux bureaux compte autant d’employés que le bureau primitif avant le dédoublement, et l’on peut aisément calculer combien de solliciteurs ce procédé ingénieux permet de satisfaire. C’est ainsi que la baguette ministérielle a transformé l’ancienne division des beaux-arts en un ministère complet qui ne fait pas mauvaise figure dans l’Almanach national. Les dépenses y ont augmenté d’une couple de millions depuis une dizaine d’années, par suite de la multiplication des places d’inspecteurs, de l’extension donnée aux missions et aux subventions artistiques et de la création d’écoles dont le besoin ne se faisait pas sentir en dehors du personnel qu’elles ont abrité.

Cet exemple n’a pas été perdu quand on a démembré les finances et les travaux publics pour créer trois nouveaux ministères. Lorsque M. Magne, qui avait une longue pratique de l’administration, quitta les finances pour la dernière fois, il recommanda instamment à son successeur républicain de ne pas laisser détacher de son département les postes et les forêts. Entre les mains du ministre des finances, disait-il, ces services donneront toujours le maximum de ce qu’ils peuvent rendre, parce que ce ministre se préoccupera par-dessus tout d’avoir les plus grosses recettes possibles : un autre ministre, qui n’aura pas le souci et la responsabilité de l’équilibre du budget, fera passer la satisfaction de ses visées personnelles avant la conservation des recettes. L’événement a fait voir toute la sagesse de ce conseil. Depuis que les forêts ont servi à constituer le ministère de l’agriculture, les dépenses de cette administration se sont accrues de 40 pour 100 et le produit a diminué de plus de 20 pour 100. Les recettes, qui avaient dépassé 40 millions en 1869 pour une dépense de 10,552,617 francs, et qui étaient encore de 38 millions 1/2 en 1876, n’ont plus été en 1879, sous la gestion du ministre de l’agriculture, que de 33,899,843 fr. Elles sont descendues à 29,432,994 francs en 1881 ; elles n’ont pas dépassé 28 millions en 1882 et 1883 ; et c’est vainement qu’on a essayé de les ramener à leur ancien chiffre par des coupes excessives.