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qu’elles étaient beaucoup plus coûteuses, la justice était rendue en France par quinze parlemens, qui suffisaient à la tâche et tenaient les affaires au courant. Est-il indispensable aujourd’hui, avec les chemins de fer, d’avoir vingt-six cours d’appel, entre lesquelles la besogne est si singulièrement distribuée que quelques-unes sont désœuvrées, tandis que d’autres ne peuvent venir à bout de leur arriéré ? On prétendrait en vain que les affaires sont plus nombreuses que sous l’ancienne monarchie : il est notoire que des juridictions qui n’existaient pas autrefois, les cours d’assises, les tribunaux de commerce, les conseils de préfecture, ont enlevé aux tribunaux civils les trois quarts des litiges. On pourrait donc, sans inconvénient, diminuer d’un tiers le nombre des cours d’appel. Quant aux tribunaux de première instance, ils pourraient être réduits à un seul dans la plupart des départemens : il ne devrait être fait d’exception que pour une dizaine de villes dont l’importance commerciale légitimerait le maintien d’un tribunal. Aucune raison d’utilité publique ne saurait être opposée à cette réforme ; mais elle est irréalisable avec le parlement actuel, que les préoccupations de clocher dominent souverainement. Quel est le ministre qui oserait proposer d’aussi nombreuses suppressions ? M. Martin-Feuillée, qui a porté si rudement la main sur les personnes, n’a pas osé maintenir son projet de remaniement des circonscriptions judiciaires, tant il a appréhendé le mécontentement des officiers ministériels. Ce ne sont pas les économies qui manquent : ce sont les ministres pour les proposer et, surtout, les députés pour les voter.

Compromettrait-on les intérêts de la défense nationale en faisant observer au ministre de la guerre qu’il est le plus grand propriétaire de mainmorte qui soit en France ; qu’il détient dans les places déjà déclassées et dans nombre de petites places à déclasser, pour plus de 200 millions de bâtimens et de terrains qui n’ont aucune affectation réellement utile, qui ne supportent pas un centime d’impôt, qui font grandement faute aux villes au sein desquelles ils sont situés, et qui servent uniquement de prétexte au maintien d’une multitude de petits emplois de gardes du génie, de gardes d’artillerie et de portiers-consignes ? Il est également à remarquer que le même ministère maintient sous le régime militaire, avec le luxe habituel de commandans de place, commandans du génie, etc., les deux tiers des petites places dont le déclassement a été pro> nonce par l’assemblée nationale. Serait-ce un excès d’exigence de lui demander d’exécuter cette loi ou de la faire rapporter ?

La suppression des sous-préfets serait un soulagement sérieux, non-seulement pour les finances publiques, mais aussi pour les finances départementales. Ce sont, en effet, les départemens qui