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extérieure, nulle inauguration solennelle ne sollicita l’attention publique, que l’on sembla, au contraire, prendre à tâche d’éviter. On eût dit qu’encore à cette époque, le judaïsme n’avait point abandonné les habitudes de mystère derrière lesquelles on l’avait refoulé pendant si longtemps. L’exiguïté de la maison était telle que l’on fut obligé de n’y admettre que des adultes atteints de maladies aiguës et que l’on repoussa les malades frappés des affections que l’on traite dans des établissemens spéciaux. En somme, c’était plutôt une ambulance qu’un hôpital, et l’on ne tarda pas à reconnaître qu’elle n’était pas en rapport avec une population qui s’accroissait de jour en jour. On voulait s’agrandir, on désirait acheter un terrain situé rue de Ménilmontant et y construire un bâtiment de dimensions plus amples et plus généreuses. Des pourparlers furent échangés à ce sujet, en 1846, et le consistoire était préoccupé de trouver les moyens de mener son projet à bonnes fins, lorsque James de Rothschild fit savoir qu’il avait l’intention de fonder une maison de secours exclusivement réservée à ses coreligionnaires. Il n’est que de prêcher d’exemple : à culte nouvelle, les israélites riches de Paris se sentirent saisis d’émulation ; ils voulurent, eux aussi, prendre part au bienfait, et s’empressèrent d’apporter leurs offrandes au consistoire, qui se donna garde de les refuser. Il faut reconnaître que les circonstances avaient singulièrement favorisé le développement des fortunes financières et industrielles. Le réseau des voies ferrées que l’on venait de jeter sur la France, l’application de la vapeur aux usines, avaient fait naître une prospérité à laquelle la haute banque avait largement contribué tout en en profitant. Comme noblesse, richesse oblige ; plus Israël s’était enrichi, plus il s’était montré bienfaisant. L’époque n’était plus où il pouvait dire avec sincérité : « Les gens aisés ne se trouvent point en grand nombre, » et où, parlant de James de Rothschild (1828), il se contentait de le noter comme : « banquier estimé, Israélite recommandable. » Le « banquier estimé » était devenu l’un des potentats du marché européen, et sa situation exceptionnelle en faisait le protecteur de ses coreligionnaires ; loin d’hésiter devant ce rôle, il l’accepta avec ardeur, s’en montra digne et le transmit à ses enfans, qui n’ont point répudié l’héritage.

James de Rothschild acheta, rue Picpus, un terrain contenant à peu près 13,000 mètres superficiels, et y fit construire un hôpital. Par un acte en date du 7 avril 1852, il en faisait don au consistoire de Paris, à la condition que cette fondation serait à perpétuité destinée à recevoir des malades et des vieillards israélites. Cette fois, l’inauguration n’eut rien de mystérieux : le ministre des travaux publics, qui était M. Lefèvre-Duruflé ; le préfet de la Seine, qui était M. Berger ; le directeur des cultes dissidens, qui était M. Charles