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donner à cet égard toute sécurité à ses malades. On n’était pas riche alors comme on l’est devenu ; la rage de spéculation qui, depuis cinquante ans, s’est emparée de nos sociétés égalitaires et pousse les impies et les croyans de toute communion vers la fortune, n’avait point encore permis aux israélites de profiter de leurs aptitudes. Pour édifier un hôpital et l’ouvrir aux juifs, l’argent manquait.

En 1815, le comité, tout en émettant un vœu pressant et en réclamant la création d’un « asile consacré à l’humanité souffrante, » — ici l’humanité signifie la race d’Israël, — reconnaît qu’à Paris « les gens aisés ne se trouvent pas en grand nombre, tandis que la quantité des pauvres est très considérable. » Le vœu reste stérile, et, en 1820, on se contente d’organiser, vaille que vaille, un service de gardes-malades. Ce n’était qu’un palliatif, et, faute de mieux, il fallut s’en contenter. En 1825, le docteur Cahen proposa au comité consistorial de faire l’acquisition d’une petite maison sise rue Picpus, no 47, et d’y établir une infirmerie. Cette maison était connue dans le quartier sous le nom de l’Ermitage ; je crois ne pas me tromper en disant que Millevoye l’habita, que Théaulon en fut propriétaire, et que Boïeldieu y composa la musique du Petit Chaperon rouge. La négociation resta pendante et ne put aboutir, car il ne fut pas possible de réunir l’argent nécessaire à l’acquisition et à l’aménagement. On se traîna pendant longtemps de projet en projet sans parvenir à en réaliser aucun. On crut avoir trouvé une sorte de moyen ‘terme qui, sans être trop onéreux, permettrait d’épargner aux juifs les inconvéniens que leur imposaient les hôpitaux ordinaires. On demanda au préfet de la Seine de céder deux chambres dans un hôpital à la communauté Israélite, qui les meublerait et y ferait soigner — et nourrir — ses coreligionnaires. M. de Rambuteau émit un avis favorable ; mais le conseil des hospices, tout en protestant de sa tolérance pour les cultes reconnus, refusa de ratifier la décision préfectorale. Ceci se passait en 1836, et on se retrouva dans l’embarras d’où l’on ne pouvait sortir depuis 1809. J’imagine, sans le savoir d’une façon positive, que c’est l’intervention, que c’est le zèle d’Albert Kohn qui dénoua les difficultés.

Au mois de janvier 1841, le comité fit un effort, réunit des souscriptions et put louer une maison rue des Trois-Bornes ; les travaux d’appropriation exigèrent plus d’une année, et ce fut seulement à la date du 1er avril 1842 que les salles, contenant ensemble douze lits, purent s’ouvrir aux malades. Douze lits pour répondre aux exigences de deux mille indigens inscrits sur les registres du consistoire, c’était bien peu ; mais l’effet fut considérable, car on accentuait ainsi la volonté de donner aux juifs malades la sécurité morale qui leur manquait dans nos hôpitaux. Nulle cérémonie