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agraire, qui, après avoir passé par la chambre des lords, occupe encore aujourd’hui la chambre des communes. Il a concentré ses efforts sur le « bill de coercition, » pour lequel il a livré depuis quelques mois tant de batailles contre les Irlandais, contre M. Gladstone lui-même. Il a fini par conquérir son bill, il s’est même hâté de l’appliquer, et l’Irlande entière, en dépit de toutes les protestations, est au moment présent dans une sorte d’état de siège. Il a eu à peu près ce qu’il voulait, il a gardé jusqu’au bout une majorité par l’alliance et l’appui persévérant des libéraux unionistes. Sa position n’est pas moins assez faible. Elle est faible parce que quelques-uns des lieutenans de lord Salisbury dans le ministère n’ont pas en un rôle des plus brillans devant le parlement, et parce qu’en définitive tout dépend du concours des libéraux unionistes, qui, après avoir voté le bill de coercition, ne voudraient pas sans doute qu’il fût trop rigoureusement appliqué. Aussi les bruits de crise ministérielle renaissent-ils périodiquement à Londres ; ils se sont réveillés ces jours derniers encore. La question est toujours de savoir si les libéraux unionistes, lord Hartington, M. Chamberlain, se décideront à partager le pouvoir avec lord Salisbury, ou s’ils ne finiront pas par prendre eux-mêmes la direction du gouvernement, par devenir les ministres d’une situation qu’ils ont contribué à créer. Lord Hartington hésite jusqu’ici, lord Salisbury fait bonne contenance dans ses discours. Provisoirement tout reste incertain, et ce ne serait pas dans tous les cas un moment favorable pour des discussions de politique extérieure qui pourraient mettre en jeu les susceptibilités anglaises, où pourraient être agitées des questions délicates sur lesquelles le gouvernement de la reine est intéressé à garder une certaine réserve, ne fût-ce que pour se ménager la possibilité de négociations nouvelles.

Tel est le mouvement des choses contemporaines, qu’il n’est plus un pays aujourd’hui, pas même les pays neutres, où les préoccupations de défense nationale, les projets d’armement, les réformes militaires n’aient un rôle dans la politique. La Belgique elle-même subit l’influence universelle, et elle a ses incidens aussi singuliers qu’imprévus. La Belgique a longuement, passionnément discuté, il y a quelque temps, sur des fortifications nouvelles qu’elle se propose de construire pour assurer la défense de la vallée de la Meuse contre toute invasion étrangère. Le parlement a voté ces fortifications, et c’est un officier du génie éminent, renommé en Europe, M. le général Brialmont, qui est chargé de l’exécution de cette œuvre de défense ; mais de cette discussion même est née une autre question qui avait été entrevue du premier coup, qui a remué l’opinion, passionné le monde militaire, et qui vient d’être discutée à son tour dans le parlement de Bruxelles : c’est la question de l’augmentation nécessaire, inévitable des effectifs de