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travers tout Le pays, pour sa part, attend ce qui sortira de là, demandant provisoirement qu’on lui laisse ce temps de paix des vacances, ces quelques mois de répit pour son travail et pour ses affaires.

Drame ou comédie, ce qui se passe aujourd’hui, depuis l’avènement du nouveau ministère, est curieux à suivre, et les radicaux jouent un rôle étrange, plus étrange à la vérité que nouveau. On n’a sûrement pas oublié ce jeune fonctionnaire que le gouvernement provisoire de 1848 avait envoyé dans un arrondissement lointain, et qui, tout frais débarqué dans sa modeste sous-préfecture, trouvant la ville calme et paisible, se demandait avec stupéfaction si c’était là la république ! C’est l’éternelle histoire des radicaux. Là où l’on ne s’agite pas, là où il y a la paix et où la politique a l’air de se fixer dans des conditions d’équité, il n’y a plus pour eux la république. C’est en vain que le pays proteste par ses instincts, oppose sa modération aux emportemens de parti et demande qu’on respecte son repos, ses mœurs, ses croyances, ses traditions aussi bien que ses intérêts : les radicaux ont la prétention de persuader au pays qu’ils le représentent en s’agitant pour lui, en lui prêtant leurs passions, en lui imposant leurs violences. Ils ont le goût de tous les procédés révolutionnaires, des dominations abusives, le dédain de toutes les garanties, de tout ce qui est pouvoir régulier. Ils ne ménagent même pas les ministères qui croient les désarmer par leurs concessions ; à plus forte raison poursuivent-ils d’une impitoyable guerre les ministères qui ont l’air de vouloir se dérober à leur influence. Depuis deux mois, ils ne cessent de montrer qu’ils ne reculent devant rien, qu’ils sont prêts à employer tous les moyens. Ils contribuent à créer des popularités factices qui sont un avilissement des institutions, et se mettent dans le cortège d’un général dont ils font un petit césar en disponibilité. Ils préparent des manifestations comme celle de la gare de Lyon ou comme celle qu’ils ont essayée le 14 juillet contre M. le président de la république. Tant que les chambres ont été réunies, ils n’ont été occupés qu’à assaillir le gouvernement ou à lui tendre des pièges. La session est-elle interrompue, ils continuent leur campagne en reprenant leurs programmes les plus violens et leurs éternels actes d’accusation ; ils organisent à eux seuls, sans droit, sans raison, une commission permanente chargée de surveiller le gouvernement, et sous prétexte de célébrer le centenaire de 1789, ils forment une fédération jacobine de 1793. S’ils n’ont plus le parlement, ils ont le conseil municipal de Paris, où de puérils sectaires s’occupent à biffer le nom de Dieu des fables de La Fontaine, et répondent lestement à ceux qui leur rappellent la loi, que cela leur est bien égal. C’est tout ce qu’ils savent faire depuis deux mois. Les radicaux ne voient pas cependant qu’avec leurs excitations et leurs manifestes, ils finissent par fatiguer le sentiment public, qu’ils s’agitent