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avec l’or, pour le forcer à réintégrer l’argent dans son plein pouvoir. Peu s’en fallut que la manœuvre réussit. Au mois de juillet 1886, M. Morrison, député de l’Illinois, demanda qu’au moyen des excédens acquis au trésor, auxquels on ajouterait les 100 millions de dollars en or tenus en réserve pour le remboursement de greenbacks, le secrétaire du trésor eût l’obligation d’appliquer cette disponibilité, à raison d’au moins 10 millions de dollars par mois, au rachat de la dette fédérale remboursable. On saisira aisément la portée de cette combinaison. Pour se conformer à la loi, le ministre des finances aurait dû aviser aux moyens de faire entrer la monnaie d’argent dans les paiemens effectués par l’état, et sous cette impulsion le métal blanc aurait repris son cours ; par contre-coup, cette innovation eût porté une atteinte sérieuse au mécanisme actuel des banques.

Comme si cette perspective avait séduit la chambre des représentans, la motion Morrison y fut votée à l’énorme majorité de 207 voix contre 67. Au sénat, où les partisans du bimétallisme sont moins ardens, le vote des députés fut atténué par un amendement qui obtint, dans la séance du 30 juillet 1886, une majorité de 42 voix contre 20. Il fut admis que le secrétaire du trésor ne pourrait procéder au rachat de la dette qu’après avoir mis en réserve un prélèvement de 100 millions de dollars, plus une disponibilité de fonds de 20 millions de dollars, en prévision des besoins éventuels. Aux termes du même amendement, les appels de titres à rembourser au lieu d’être fixés à raison de 10 millions par mois, auraient été proportionnés à l’état de la caisse, et même, en cas d’inquiétude, le secrétaire du trésor aurait été autorisé à ajourner tout remboursement jusqu’à décision du congrès. Le projet ainsi modifié revint à la seconde chambre. Dans un premier mouvement d’irritation, l’œuvre du sénat fut rejetée en bloc ; la voix de la prudence fut enfin écoutée, et les deux assemblées se mirent d’accord sur une combinaison peu différente de celle du sénat. Mais on était au 4 août 1886, avant- dernier jour de la session : le président Cleveland put éviter de sanctionner le vote du congrès[1], et l’on est resté dans le statu quo. Les élections qui eurent lieu peu de temps après ne modifièrent pas d’une manière appréciable la force respective des adversaires ; on suppose que la majorité acquise aux silvermen dans la chambre des députés est quelque peu affaiblie. A la réouverture de la session, qui eut lieu suivant l’usage le premier lundi de décembre, on n’eut pas à remarquer, au sujet du

  1. La constitution américaine accorde au président un délai de dix jours pour se prononcer sur les votes du congrès.