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reconnus, de sorte que les députés des groupes nouveaux se trouvent à la chambre en plus grand nombre que ceux des anciens états : de là une majorité acquise instinctivement au profit de l’argent. Le 19 novembre 1877, un député du Missouri, M. Richard Bland, introduisit une proposition qui rétablissait purement et simplement la législation monétaire de 1833, c’est-à-dire la coexistence des deux métaux précieux au rapport de 16 à 1, avec la frappe libre et pouvoir illimité, pour l’argent comme pour l’or, d’être employés à l’acquittement des dettes de toute nature. Ce bill fut adopté le jour même, presque sans débat, à l’énorme majorité de 163 voix contre 34. Au sénat, où la résolution votée par les députés fut immédiatement transmise, les silvermen se trouvaient encore en nombre, et leur succès n’était pas douteux. La question du moins n’y fut pas étouffée comme dans l’autre chambre : une discussion retentissante et dénature à éclairer l’opinion publique fit prévaloir trois amendement aux termes desquels une inondation de l’argent monnayé était moins à craindre. Les amendemens du sénat étant renvoyés à la chambre des représentans, ceux-ci s’empressèrent de les adopter. Tout n’était pas fini pour cela. Celui qui détenait alors le pouvoir exécutif, le président Hayes, était un homme expérimenté, et son avis était d’un grand poids : il craignait les effets d’une circulation surabondante et les abus qu’on ne manquerait pas d’en faire pour le paiement des dettes publiques et privées. La constitution lui attribue un droit de veto suspensif ; il crut devoir l’exercer ; mais il y avait entraînement et parti-pris au sein du congrès. Tout vote des chambres auquel le président refuse sa sanction doit être soumis à un nouvel examen, et la résolution ne devient définitive qu’après avoir obtenu dans les deux assemblées une majorité des deux tiers. Le veto du président Hayes fut signifié, le 28 février 1878 ; le même jour, le bill fut confirmé par des majorités dépassant les deux tiers : 193 oui contre 73 non à la chambre des députés ; 40 oui contre 19 non au sénat. Ainsi surgit la loi désignée par le nom de Bland-bill, loi dont le sort intéresse non pas seulement l’Amérique, mais le monde commercial tout entier.

Dans la pratique, le Bland-bill se résume ainsi : rétablissement du double étalon, tel qu’il existait anciennement, mais avec cette restriction que la frappe libre du dollar argent est supprimée, que la fabrication en est réservée à l’état, sous obligation imposée au ministre des finances d’acheter chaque mois au prix courant du marché la quantité de lingots nécessaire pour frapper une somme de 10 millions de francs au minimum, et pouvant être portée à 20 millions de francs, si les besoins de la circulation l’exigent. Le bénéfice éventuel résultant de l’écart entre la valeur nominale des monnaies et le prix courant du lingot est acquis à l’état. La monnaie