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Bombay, ont protesté contre la réglementation arbitraire qui enlevait à l’or sa force légale et faussait ainsi le courant naturel des métaux précieux. L’agitation, entretenue sourdement, s’est accentuée énergiquement vers la fin de l’année dernière ; des associations de propagande se sont organisées jusque dans les villes lointaines, et, pour centraliser ces efforts, un comité général est en formation à Simla, sous la présidence des premiers magistrats de l’empire, avec le concours du secrétaire des finances, du contrôleur-général et autres fonctionnaires du plus haut rang. A Londres même, on commence à comprendre qu’il est peu rationnel de neutraliser pour ainsi dire une accumulation énorme d’or, en même temps qu’on affirme que l’or est insuffisant dans le monde, et les hommes clairvoyans de la finance se demandent s’il ne serait pas opportun d’annuler la loi de 1835. La nécessité d’un changement a été récemment soutenue par M. Herbert Tritton à l’Institute of Bankers, dont il est le président, et proposée par M. Claremont Daniell au paiement, dont il est membre.

On sera bien forcé d’en venir là. On peut s’attendre à une solution dans le genre de celle que proposait, en décembre 1878, lord Cranbrook, alors secrétaire d’état pour l’Inde : monétisation libre de l’or déclaré legal tender pour tous paiemens ; suspension de la frappe de l’argent avec modification dans le poids de la roupe, de manière à entraver autant que possible le drainage du mohur. Ce serait quelque chose comme ce que l’on a appelé chez nous le bimétallisme bossu, avec cette différence que la bosse d’argot des Indiens est monstrueuse. L’Angleterre ne recule pas devait une résolution à prendre lorsqu’elle est jugée nécessaire ; avec ses grandes ressources en tout genre, avec l’expérience et la dextérité pratique de ceux qui la gouvernent, elle saura traverser la crise de transition sans trop de souffrances. Je ne me permettrai pas d’émettre une opinion à ce sujet ; il me suffit de constater que la situation monétaire de l’Inde anglaise, où les bimétallistes puisent leur principal argument, n’est pas de nature à empêcher les tentatives que la France croira bon de faire pour asseoir sa circulation sur des bases solides.


III

Les plus à plaindre, dans cette déchéance du métal blanc, ce ne sont pas les pays qui détiennent seulement la monnaie comme instrument des échanges ; ce sont les contrées où la production de l’argent est l’industrie principale, c’est surtout l’Amérique latine. On pourrait croire que l’exploitation des mines s’est ralentie depuis que le prix de la marchandise est en baisse et que le placement en