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frappés en pièces de 5 francs au rapport de 15 1/2, on achetait des traites sur Londres que Berlin réalisait en or. On obtenait ainsi l’équivalent monétaire et la perte sur le change était supportable. La suspension de la frappe dans les pays d’Union latine coupa court à cet ingénieux commerce. Il fallait vendre les lingots au cours du marché[1]. Ces ventes, réalisées d’année en année de 1873 jusqu’en mai 1879, se sont soldées par une perte de 120,600,000 francs, plus une dépense de 37 millions en frais de remonnayage. En revanche, le trésor recouvra 102 millions sur la transformation des autres monnaies, or, cuivre et nickel, en monnaie du nouveau typé, de sorte qu’en définitive, la caisse de l’empire n’eût à subir qu’un déficit de 55 millions de francs.

Au moyen de ce sacrifice, combiné sans doute avec les ressources fournies par l’indemnité de guerre, l’Allemagne a su créer de toutes pièces une circulation d’or proportionnée aujourd’hui à ses besoins. Le gouvernement et les particuliers avaient acheté à Londres, en six ans, 84 millions de livres sterling d’or, soit 2 milliards 100 millions de francs. En fin décembre 1886, d’après un document publié depuis peu de jours, il avait été monnayé en pièces d’or de 20, de 10 et de 5 marcs, une somme nette de 2 milliards 456 millions de francs[2]. C’est moitié moins que ce que l’on suppose exister en France. On remarque depuis quelques mois que l’Allemagne achète la plus grande partie de l’or qui arrive sur le marché de Londres : est-ce pour donner satisfaction à des besoins commerciaux ou en prévision d’une guerre ?

Quant à l’argent, on était sans doute, au début de la réforme, sous une préoccupation utopique, celle de limiter au plus bas la somme de monnaie fiduciaire laissée dans les mains du public ; on la calcula à raison de 10 marcs (12 fr. 50) par tête, et la population de l’empire étant à cette époque évaluée à 45 millions d’habitans, on se contenta de créer en pièces de 5 marcs à 1/4 de marc un fonds de 554 millions de francs, porté à 561 millions aujourd’hui. Pour habituer le public à l’usage de l’or, on crut devoir restreindre la force libératoire de la nouvelle monnaie d’argent à 25 francs dans chaque paiement dans le courant des transactions ; mais il y a un correctif a cette limitation par trop étroite ; l’argent est accepté pour toute somme dans les caisses publiques de l’empire et des états confédérés ; les commerçans peuvent même

  1. À cette époque, l’once d’argent standard était tombée sur le marché de Londres à 50 francs, ce qui donna le rapport entre l’or et l’argent à 18 1/2, soit une perte d’environ 18 pour 100. Les premières ventes avaient en lieu, en 1873, entre 59 et 60 pences, c’est-à-dire au rapport de 15 1/2 ou à peu près.
  2. Dans ce stock général est comprise la réserve de 150 millions de francs conservée en or dans la tour de Spandau en prévision des éventualités politiques.