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césars ne deviendront jamais chrétiens. Lorsque, contre toute attente, Constantin se fut converti, il n’est pas étonnant que cet événement inespéré ait un peu changé les sentimens de l’église. La fortune, comme il arrive toujours, accrut ses prétentions. Quand elle était malheureuse, elle n’entrevoyait pas de plus grand bien que la sécurité et la liberté ; après son triomphe, elle souhaita quelque chose de plus. Les faveurs dont le prince la comblait lui donnèrent l’idée et le goût de la domination.

Au sujet du paganisme, il faut bien avouer que les sentimens de colère et de haine des chrétiens se comprennent. C’était l’ennemi, un ennemi implacable, qui, depuis trois siècles, les empêchait de vivre en repos, et qu’ils étaient tous élevés à craindre et à détester. On avait d’ailleurs une raison pour le mettre hors la loi commune, c’est qu’il ne paraissait pas disposé à la croire faite pour lui ; il se souvenait toujours qu’il avait été la religion de l’état, et entendait bien continuer à l’être. Pour lui, c’était cesser d’exister que d’être mis sur le même rang que les autres cultes ; s’il n’avait plus la puissance publique pour le protéger, il était perdu. Ce qui lui attachait malgré tout le sénat romain et les grands seigneurs, ce ne pouvaient pas être ses doctrines, dont la philosophie leur avait appris depuis longtemps le vide et le ridicule ; c’était le souvenir de la grande situation qu’il avait occupée, et cette confusion qu’on faisait toujours entre la gloire de Rome et la religion de Romulus. Symmaque, dans son discours sur l’autel de la Victoire, ne réclame pas pour ses dieux la tolérance, mais le privilège. Il n’admet pas qu’un autre culte soit mis sur la même ligne que le sien ; il veut que l’état continue à payer ses prêtres et à entretenir ses temples, c’est-à-dire qu’il soit toujours le culte national. On pouvait donc prétendre qu’il n’avait pas accepté de bonne foi le pacte offert par Constantin à toutes les religions de l’empire, qu’il rêvait toujours de reprendre la suprématie qu’on lui avait arrachée, qu’il n’attendait qu’une occasion favorable pour l’imposer aux autres cultes, et, par conséquent, que, tant qu’il existerait, le christianisme ne pourrait pas être tranquille.

Il est donc vraisemblable que, dès les premiers jours, les évêques ont profité de la faveur que Constantin leur accordait pour le mal disposer contre l’ancienne religion. Si nous voulons savoir de quelle manière ils lui parlaient, nous n’avons qu’à parcourir le livre curieux intitulé : De errore profanarum religionum, que Finnicus Maternus adresse aux deux fils de Constantin, Constance et Constant. C’est un manuel d’intolérance. L’auteur ne néglige rien pour les engager à supprimer ce qui reste du paganisme ; il prie, il s’emporte, il menace. Quelquefois il a l’air de parler dans l’intérêt de ceux qu’il attaque : « Venez au secours de ces malheureux ; il vaut