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lui parurent insuffisantes, et il pensa qu’il serait honnête d’y joindre les sources anglaises et les galloises même, s’il se pouvait. N’était-il pas indispensable de lire le Mabinogion de lady Charlotte Guest, et la vieille compilation de sir Thomas Malory, la Mort d’Arthur? Boyer ne savait pas l’anglais, mais cet obstacle n’était pas pour l’arrêter. Il apprit donc cette langue, et lut tout ce qui se rapportait à son sujet jusqu’aux Idylles du roi de Tennyson inclusivement. Seulement, comme vous pouvez aisément le croire, au bout de toutes ces lectures, le pauvre Boyer se trouva plus enchanté que Merlin sous son aubépine fleurie, et personne plus, ni auteur, ni collaborateur, ni directeur, ne pensait encore à la féerie.

Le rôle de ce personnage littéraire fut tenu en Angleterre, pendant la seconde moitié du XVIIe siècle, par un hobereau du Wiltshire, du nom de John Aubrey. Comme il était un adepte très convaincu de l’astrologie judiciaire, — William Lilly, le roi des astrologues anglais de l’époque, le comptait au nombre de ses amis ou dupes les plus intimes, — il a dressé sa Nativité selon tous les canons orthodoxes de cette plus ancienne des sciences conjecturales, ainsi que l’ont fait, du reste, nombre de ses compatriotes illustres, Robert Burton et sir Thomas Browne, par exemple. Nous ne sommes pas assez versé en astrologie pour dire à simple inspection de la figure de cette Nativité ce qu’elle présageait au pauvre Aubrey ; mais il est probable qu’il y eut là quelque conjonction. malencontreuse ou quelque station prolongée de son étoile auprès de quelque astre malveillant. Ce fut un mortel inoffensif au possible et baroque à l’excès. Il a pris soin de consigner dans une sorte de registre sommaire, pour l’instruction de la postérité, ce qu’il considérait comme les principaux événemens de sa vie ; cela est d’une naïveté tout enfantine et quasi ridicule, qui justifie assez bien le portrait méchant avec préméditation qu’a tracé de lui Anthony Wood, le célèbre historien des antiquités d’Oxford. Né si faible, qu’il fallut le baptiser par précaution aussitôt après son entrée dans le monde, il fut affligé toute sa vie de maladies bizarres, déplaisantes, et même malpropres, qu’il nous énumère complaisamment, avec indication du temps qu’elles ont duré. De quatre à douze ans, vomissemens périodiques ; de huit à vingt et un ans, écoulement ou fontaine purulente à la tête. En 1634, fièvre violente qui faillit l’emporter; en 1639, rougeole ou éruption cutanée; en 1643, à Oxford, petite vérole; en 1664, pendant un voyage en France, spleen et hémorrhoïdes à Orléans. Cette abondante gourme maladive semble avoir cessé de s’épancher vers les années de l’âge mûr; cependant, en 1677, nous relevons encore un abcès à la tête. Après les accidens de la maladie, les accidens du hasard, et le chapitre en est long. Il est tombé