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Quand César, ce héros charmant,
De qui Rome était idolâtre,
Battait le Belge ou l’Allemand,
On en faisait son compliment
À la divine Cléopâtre !
Quand Louis, ce héros charmant,
De qui Paris fait son idole,
Gagne quelque combat brillant,
Il en faut faire compliment
À la divine d’Étiole.

« Je suis persuadé, madame, que du temps de ce César il n’y avait point de frondeur janséniste qui osât censurer ce qui doit faire le charme de tous les honnêtes gens, et que les aumôniers de Rome n’étaient pas des imbéciles fanatiques. C’est de quoi je voudrais vous entretenir avant d’aller à la campagne. Je m’intéresse à votre bonheur plus que vous ne pensez, et peut-être n’y a-t-il personne à Paris qui y prenne un intérêt plus sensible. Ce n’est point comme vieux galant, flatteur des belles, que je vous parle ; c’est comme bon citoyen, et je vous demande la permission de vous dire un petit mot à Étioles ou à Brunoy, ce mois de mai. Ayez la bonté de me faire dire quand et où je suis, avec respect, Madame, de vos yeux, de votre figure et de votre esprit le très humble, etc.[1]. »

Toutes les précautions furent vaines, et ni la protection du ministre ni celle de la nouvelle favorite ne suffit pour désarmer des critiques peut-être intéressées, mais qui n’en furent que plus vives. On a beau faire, on ne satisfait jamais les exigences de tous les amours-propres, et l’honneur d’être loué par Voltaire était trop grand pour ne pas faire des jaloux. Plus la liste des inscrits était longue, plus il était dur d’y être omis. Les élus eux-mêmes ne furent pas tous satisfaits de la part qui leur était assignée. Le poème de Fontenoy fut donc tout de suite l’objet de commentaires malveillans, et, dans une composition trop hâtive pour être suffisamment châtiée, il ne fut pas difficile de relever des vers faibles, des incorrections et des chevilles. Les quolibets et bientôt les satires et les parodies ne se firent pas attendre ; j’en ai trouvé une entre autres intitulée : la Plainte du curé de Fontenoy, où ce prêtre accuse Voltaire de lui faire concurrence pour la délivrance des extraits mortuaires des combattans. — « Voltaire, dit Luynes, a voulu parler de tout le monde, et sans avoir eu le temps d’être assez instruit des particularités ; il a même suppléé par des notes à ceux qu’il ne voulait pas nommer, mais, en voulant contenter tout le monde, il a fait

  1. Voltaire à d’Argenson et à Mme de Pompadour, 19-20 mai 1745. (Correspondance générale.)