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par des eunuques et renfermant à la fois des concubines proprement dites (en latin garciæ) et des servantes (ancillæ) attachées au service des premières ou au service du prince. Il y avait donc là, comme on dirait aujourd’hui à Stamboul, des kadines et des odalisques (femmes de chambre). Un mandat impérial daté de Lodi, 10 novembre 1239, et adressé à un de ses intendans, est ainsi conçu : « Nous recommandons et nous enjoignons à ta fidélité, dès que tu en seras requis par le cadi de Lucera et par Ben-Abou-Zeughi, nos serviteurs, de faire remettre pour nos garciœ qui sont à Lucera, et à chacune d’elles, une robe fourrée de martre, deux chemises et deux caleçons d’étoffe de lin, et pour les ancillœ de notre chambre qui sont au même lieu, à chacune d’elles une jupe de mayuto (?), deux chemises et deux caleçons d’étoffe de lin, le tout sur les provenances de notre cour qui sont entre tes mains, et de leur solder à toutes leurs dépenses par les mains du susdit Ben-Abou-Zeughi,.. suivant l’assisia ou règlement de notre cour. » À Messine, l’empereur semble avoir possédé un autre établissement où il y avait également des ancillœ, sans qu’on puisse préciser si celles-ci étaient des odalisques ou simplement des ouvrières, et si la maison était un harem ou simplement un gynécée ou manufacture. En tout cas, voici ce qu’il en dit : « Quant aux ancillœ de notre cour, qui sont dans le palais de Messine, applique-les à quelque ouvrage utile, par exemple à filer, afin qu’elles ne mangent pas leur pain sans rien faire. » Huillard-Bréholles incline ici vers l’hypothèse d’un harem. Enfin, dans ses expéditions, Frédéric emmenait, comme un monarque asiatique, tout un essaim de femmes. En 1248, son camp de Vittoria, sous les murs de Parme, ayant été surpris par les assiégés, les femmes, embarrassées de leurs longs vêtemens ou de leurs bagages, tombèrent aux mains des vainqueurs : ce fut une Prise de la Smala, Un poète contemporain assure que Frédéric fut plus marri de cette aventure que de la perte de ses soldats et de ses trésors.

À l’égard de sa première femme, Catherine d’Aragon, placé à ce moment sous l’œil vigilant d’Innocent III, il s’était conduit en époux chrétien et en mari d’Occident. Il n’en fut pas de même pour