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métal blanc dans cinq ans ? La trésorerie française aurait, dit-on, à se défaire de ces 250 millions par les voies commerciales, c’est-à-dire en achetant des rentes et autres valeurs de bourse en Belgique et en Italie, et en cherchant, par les subtils procédés du change, les moyens d’effectuer les paiemens chez nos voisins avec des écus provenant de leur fabrication. L’Italie, par exemple, a payé en 1885, pour les intérêts de sa dette placée en grande partie à l’étranger, 77,905,682 francs à Paris, 15,466,370 francs à Londres, 7,648,700 francs à Berlin ; les rentiers italiens auraient-ils bonne grâce à refuser les lires à l’effigie de Victor-Emmanuel? Ces procédés de liquidation condamneraient le gouvernement français à un triste métier ; ils ne seraient pas appliqués sans perte, et ils ne manqueraient pas de susciter chez nos anciens associés des inquiétudes et une irritation peu favorables aux bonnes relations politiques. Serait-il possible de conjurer ces fatalités ? — Je le crois : le moyen en est simple et on peut l’exposer en peu de mots.

Dans les conférences, les représentans autorisés de la Belgique et de la Suisse se sont montrés favorables à l’unité d’étalon monétaire. Il existe dans le parlement italien un fort parti qui s’est prononcé en faveur de ce régime ; il n’y aurait donc pas d’obstacle à craindre, au point de vue du principe, s’il était question de généraliser immédiatement dans l’Union latine l’étalon unique d’or. De la part de la Suisse et de la Grèce, les objections ne sont pas probables. Reste à savoir si des difficultés pourraient être soulevées de la part des deux principaux pays intéressés, au point de vue de leur mouvement commercial et de leurs ressources métalliques.

Remarquons d’abord que la Belgique et l’Italie, dans leur pratique commerciale, sont comme la France au régime de l’or, puisque l’argent ne peut plus être exporté. Le passage à l’unité d’étalon or impliquerait la limitation du pouvoir légal de l’argent. Deux points sont à examiner : la monnaie or est-elle assez abondante dans ces pays pour entretenir l’activité normale du commerce ?

L’or ne manque pas à la Belgique, si l’on en juge par les bilans de la Banque nationale. Cet établissement tient toujours en réserve, assure-t-on, une somme considérable (c’était 170 millions il y a peu de temps) de traites et de valeurs de premier ordre réalisables en or, en prévision des inévitables réformes monétaires. Quant à l’argent, j’estime qu’après la rentrée des écus par échange d’espèces ou par compensation, le stock des pièces de 5 francs dépasserait quelque peu 400 millions[1] ; pour une monnaie réduite au rôle

  1. Il est utile d’avoir sous les yeux le tableau du monnayage des pièces de 5 francs d’argent dans les pays d’Union latine. Voici ce document tel qu’il a été produit officiellement à la conférence de 1885 (séance du 5 août) :
    Avant l’Union latine Depuis1865 Ensemble jusqu’â ce jour
    Belgique fr. 145,180,490 350,497,720 495,678,210
    Italie 184,622,150 359,581,160 544,203,310
    Suisse 2,500,000 7,978,250 10,478,250
    Grèce » 15,402,865 15,462,865
    Totaux fr. 332,302,640 733,519,995 1,065,822,635

    Cette fabrication, comme celle de la France, a sans doute été amoindrie par la fonte ou l’exportation en Asie.