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En Belgique, où la loi du 3 juin 1832 avait attribué le cours légal à la monnaie décimale française, et bien que l’argent fût le seul étalon monétaire, l’état belge, après dix-sept ans d’existence, n’avait émis en écus de 5 francs à son effigie qu’une somme de 07 millions. Aussi, à l’occasion d’une enquête qui donna lieu à un rapport très instructif de M. Pirniez, il fut constaté officiellement que, sur une somme de 58,000 francs puisée partiellement à des sources diverses, il y avait en pièces belges 7,925 francs et en pièces françaises 50,075 francs. Les évaluations produites, en 1847, par MM. Benoît Fould et Poisat, sont donc parfaitement admissibles.

De 1848 à 1850, la circulation métallique fut alimentée par une fabrication assez abondante, que le cours forcé du billet de banque rendait d’ailleurs désirable. L’adoption de l’étalon d’or aux États-Unis fit refluer le dollar d’argent vers l’Europe. Nos hôtels des monnaies reçurent en ces trois ans de l’or pour 143 millions et des lingots d’argent pour ‘21 millions. Le stock du métal blanc, qui formait encore l’élément presque exclusif de nos encaisses, devait être en 1852 relevé à 2 milliards environ. C’est alors qu’éclata, sous l’éblouissement de l’or arrivant à flots de la Californie et de l’Australie, une évolution commerciale qui a fourni une des plus lumineuses démonstrations de l’économie politique.

On savait théoriquement que, quand les deux métaux précieux coexistent, même avec un rapport de valeur et une force libératoire fixés par la loi, le métal plus haut taxé commercialement s’échappe par l’exportation; l’autre métal, le moins estimé, reste seul dans le pays ; jamais le fait n’avait été vérifié dans la pratique avec une pareille évidence. Dès que la cote du marché de Londres eut fait entrevoir une plus-value au profit de l’argent, la transformation s’accomplit avec une rapidité surprenante. Il y eut dans toutes les classes et jusqu’au fond des campagnes une sorte d’entraînement à échanger avec bénéfice les vieilles pièces encombrantes contre la coquette pièce d’or qu’on avait rarement rencontrée.

En même temps, une large carrière était ouverte aux opérations d’arbitrage. Le procédé mérite attention : il est curieux de voir comment un réservoir métallique peut être vidé, surtout sous l’influence du double étalon. On distingue dans la pratique financière l’argent de compte qui exprime une valeur fixe, invariable, conforme à la loi, et l’argent courant, qui est le métal monnayé en circulation. Une banque d’état ramène obligatoirement tous ses calculs à la monnaie de compte ; dans un billet de la Banque de France, le franc d’argent est exprimé au rapport légal de 15 1/2 ; mais il arrive souvent que la monnaie effective présente au cours