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chevaux à l’abreuvoir, parfois on s’enhardit jusqu’à monter sur l’encolure ; on bat en grange, à la fourche on retourne le regain coupé, on fouille dans le râtelier de l’écurie pour découvrir l’œuf que la poule a pondu ; on va, sous les coudriers, détacher les noisettes ; un de ces gamins y consacra son temps et en récolta 4,000. Ces plaisirs semblent exquis, et cependant l’on en rêve de plus grands, car un des écoliers de la rue de la Providence, partant pour sa villégiature, avait emporté un grand couteau dans l’espoir d’être appelé à l’honneur de tuer le cochon de la ferme. Un des enfans, terminant son repas au milieu des paysans près desquels il était hébergé, dit : « Je n’en puis plus ; c’est la première fois de ma vie que je mange à ma faim. » Les comptes du déplacement de 1886 sont intéressans à faire connaître : 164 enfans y ont pris part, et les dépenses de transport, de pensions alimentaires, de fêtes champêtres, de correspondance et de convoyage ne se sont élevées qu’à 6,050 fr. 50 ; ce qui équivaut à 40 francs par tête. Les compagnies de chemin de fer participent à cette œuvre de bienfaisance en accordant d’importantes réductions sur les prix des places. On ne saurait trop multiplier ces séjours hygiéniques au milieu des champs, en marge des forêts. Ce ne sont pas les petits êtres étiolés qui manquaient à l’appel ; mais avant de faire le compte des élus, on consulte l’aumônière, car c’est l’abondance des offrandes qui détermine le nombre des voyageurs. Si ces excursions de vacances pouvaient parfois aboutir sur une de nos plages sablonneuses, quelle aubaine pour les enfans et quelle force apportée aux santés chétives de ce petit peuple que l’anémie dévore, parce qu’il a pâti depuis qu’il est au monde<ref> Ces voyages scolaires, fort usités en Suisse, — qui ne se souvient des livres et des dessins de Toppfer ? — semblent sur le point de s’acclimater à Paris ; l’exemple donné en 1881 par M. le pasteur Lorriaux n’aura point été stérile. M. Edmond Cottinet, dès 1883, a organisé des caravanes d’écoliers pour le IXe arrondissement ; c’est vers les Vosges, dans le pays des montagnes et des arbres résineux, qu’il a fait diriger les enfans faibles et dolens qui ne manquent ni dans nos écoles ni dans nos lycées. De son côté, le conseil municipal faisait choisir, dans ses établissemens d’enseignement primaire, les élèves dont la conduite et le travail avaient été remarqués au courant de l’année et organisait pour eux un voyage en guise de récompense. Le résultat n’a point paru favorable ; les enfans revenaient fatigués et surmenés par des courses pédestres souvent trop prolongées. On semble devoir abandonner ce système et revenir à celui que M. le pasteur Lorriaux, et, après lui, M. Edmond Cottinet, ont mis en pratique. Dans la séance du 10 juin dernier, le conseil, sur la proposition de M. Hovelacque, a décidé de renoncer aux voyages et de s’attacher à la création des colonies scolaires, c’est-à-dire de faire séjourner les enfans dans un endroit déterminé, hygiéniquement choisi, et de réserver de préférence cet avantage à ceux dont la santé débile peut se fortifier au grand air et à la vie de la campagne. Il faut espérer que l’usage de ces déplacemens se multipliera, et que bientôt tous nos petits écoliers auront leur lieu de vacances au bord de la mer, sur les hauteurs ou dans les forêts. </<ref> !