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dont je vois une réserve dans une armoire prudemment fermée. L’achat du terrain, la construction des trois corps de bâtiment, l’outillage, l’ameublement ont coûté cher ; l’instituteur, les institutrices, la directrice de l’asile, les auxiliaires sont bien rémunérés ; en outre le logement, le chauffage et l’éclairage leur sont acquis. Toute la communauté protestante de Paris, aidée par les diaconats, s’est-elle donc concertée pour élever et défrayer ces maisons scolaires où quatre cent vingt enfans pauvres reçoivent la culture intellectuelle et des principes de moralité ? Non, c’est ici une œuvre privée, et il m’est douloureux de n’être pas autorisé à prononcer des noms. Deux belles-sœurs, appartenant à deux familles de noms différens, mais qui se sont alliées si souvent par des mariages et par des actes de bienfaisance qu’elles n’en font qu’une en réalité, ont pris à leur charge toutes les dépenses d’achat, de construction, d’entretien de cet établissement secourable. L’une est propriétaire de la salle d’asile, l’autre de l’école ; rivalité dans le bien, émulation de charité, énergie de dévouement, esprit de sacrifice, amour de l’enfance que l’on veut sauver, ce sont là les vertus qui ont gonflé leurs cœurs et les ont, pour ainsi dire, contraintes à cette fondation où j’imagine qu’elles ont trouvé des joies sans pareilles. André del Sarte, s’il vivait encore, les prendrait pour modèles de sa Charité, et les Malais qui, dit-on, adorent l’âme des femmes miséricordieuses, en feraient des divinités. C’est un cadeau de jour de l’an qui leur a permis cet acte de grandiose opulence ; seule, la caisse de leurs maris pourrait dévoiler le mystère et raconter ce qu’il en a coûté ; mais la caisse est discrète et ne s’ouvre pas aux confidences. Il était naturel à des femmes jeunes, il était facile d’ajouter quelque rivière de diamans au coffret des bijoux ; on a préféré recueillir des enfans misérables, leur bâtir une demeure et leur donner des maîtres d’hygiène physique et d’hygiène morale : c’est un joli luxe.

La haute direction sur les écoles fut exercée, dans le principe, par M. le pasteur Vinard ; actuellement elle appartient à M. le pasteur Lorriaux, qui conserve précieusement, comme un souvenir du bon temps des voyages, la bouée à l’aide de laquelle il a pu se sauver lors de la perte du paquebot la Ville-du-Havre, sur lequel il revenait d’Amérique. Il est aidé par Mme Lorriaux, qui souvent visite les élèves et stimule leur émulation. Si elle s’occupe d’eux avec ardeur, elle ne néglige pas leurs mères, sachant que tout bon sentiment inculqué à celles-ci profitera aux enfans. Tous les mercredis, elle les réunit, et pendant qu’elles raccommodent des raccommodages déjà raccommodés, elle leur fait une lecture suivie d’un commentaire ; je ne serais point surpris que l’on attendît avec quelque