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de ménage. Je crois bien que l’intervention des diaconesses n’est pas exclusivement matérielle. L’ardeur qui les anime est énergique et ne peut se contenir ; elles brûlent de la communiquer et elles n’y manquent pas. J’imagine qu’elles s’assoient près du grabat où geint le malade ; elles tirent un petit livre de leur poche, lisent quelque verset de la Bible et le commentent, car elles n’ont point oublié que Luther a dit : « Tout chrétien est prêtre. »


II. — LA CITE DU SOLEIL.

L’institution des diaconesses, quoique de formation relativement récente à Paris, s’appuie sur des coutumes historiques, interrompues en France par les suites de la révocation de l’édit de Nantes, mais continuées avec persistance dans les pays de religion protestante. On peut donc dire qu’elle n’a eu rien de spontané, et qu’en s’établissant parmi nous, elle n’a fait que renouer la chaîne des traditions accidentellement brisée. Il n’en est pas de même de l’œuvre dont je vais parler, et qui est éclose sous l’inspiration subite d’une femme de la classe ouvrière. L’émotion seule de son cœur l’a guidée, et il en est résulté un grand bienfait. En 1862, une grande dame protestante réunissait chez elle, à jours fixes, des femmes de même communion et de conditions différentes ; on ne s’inquiétait point de savoir si elles fréquentaient le même monde, mais seulement si elles fréquentaient le même temple et obéissaient aux préceptes de la même croyance. C’était, si l’on peut dire, des assemblées de charité platonique ; on se souvenait que Celui dont la divinité est pour le protestantisme un article de foi irréductible a dit : « Aimez-vous les uns les autres ; — Laissez venir à moi les petits enfans ; » et l’on cherchait à donner un but à des efforts dont on se sentait capable, mais qui risquaient de rester infructueux si l’on ne réussissait pas à les concentrer en une action positive secourable et susceptible de développement. Parmi les femmes qui assistaient avec régularité à ces conférences, où dominait l’esprit religieux, se trouvait Mme Pâris, dont le mari était contremaître dessinateur en châles. C’était une nature énergique, ardente à se dévouer, côtoyant la classe misérable, affligée de voir que, dans certains milieux, les enfans échappent à toute culture, rêvant de féconder, par les principes des Évangiles, les jeunes cervelles restées enfriche, et prête à se jeter dans les sanies sociales de l’ignorance, de la promiscuité forcée, pour en tirer les pauvres petits qui s’y perdent sans même, s’en apercevoir. Elle parla de la cité du Soleil, où vivait,