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complète ; avec les formes qui lui sont propres, le protestantisme a créé un ordre secourable dont la mission est de veiller sur les malheureux. Il faut avoir plus de dix-huit ans et moins de trente-cinq pour y être admis ; le noviciat dure deux années : pendant la première, on est « aspirante ; » au cours de la seconde, on devient « adjointe. » Dans cette école de la compassion, l’enseignement est pratique ; les exercices du culte ne sont point de notre compétence, le choix des lectures pieuses, les commentaires des livres saints ne peuvent être appréciés par nous, la foi est libre de prendre ses points d’appui où elle veut et de se manifester comme il lui convient ; du moment qu’elle est sincère, elle est respectable ; si elle fait du bien, si elle vise au soulagement des douleurs matérielles et à l’apaisement des angoisses morales, il n’est que correct de la célébrer. La maison de la rue de Reuilly réunit, — qu’on me passe le mot, — les instrumens de travail indispensables à l’éducation de la charité, qui a besoin d’études et d’expérience pour s’exercer avec fruit. Je ne parle pas de ces soins de ménage et de cette science d’administration qui deviennent de l’économie héroïque et permettent d’utiliser sagement jusqu’au dernier centime de la bienfaisance. Lorsqu’en qualité d’aspirante et d’adjointe, une femme a traversé la salle d’asile, le disciplinaire, la retenue, lorsqu’elle a été initiée, sinon employée, à tous les labeurs de la maison, à la buanderie comme à l’atelier de couture, à la cuisine aussi bien qu’à la classe primaire, elle est déjà façonnée à la vie d’abnégation ; elle a appris à lire dans les âmes inconscientes ou perverties, elle est apte à revêtir la robe de laine noire, le bonnet blanc plissé des diaconesses et à entrer résolument dans ses fonctions préservatrices ; en un mot, elle sait nager et peut sauver un malheureux qui se noie. Son action sera toute morale ; elle essaiera de donner de la force aux consciences faibles et de raffermir les cœurs amollis ; mais, ce n’est pas tout : il est des corps malades qu’il faut soigner et des plaies qui ont besoin d’être pansées ; c’est encore une éducation à faire. Dans le monde de la souffrance et de la pauvreté, les consolations ont du prix, mais les soins physiques, donnés en connaissance de cause, sont indispensables ; aussi, tout en restant une directrice intellectuelle, la diaconesse fait son apprentissage d’infirmière. Pour cela, elle n’a pas à se glisser dans les hôpitaux, derrière le médecin escorté de ses internes ; elle fait ses études de carabin dans la maison même, car elle y trouve une clinique.

Au bout du jardin, en belle exposition, à la fois claire et chaude, un hôpital a été élevé que par courtoisie on appelle : la maison de santé. La construction est récente, et par conséquent aménagée selon