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rectifier définitivement une existence mal commencée. Ces filles de service, voulant ne plus quitter les diaconesses sous l’œil desquelles elles se sont amendées, ne sont point les seules qui se soient rendues au bien. Dans les chiffres que j’ai cités plus haut, on a pu voir que sur 97 jeunes filles, 31 étaient restées irréprochables. Celles-là n’ont point rompu tout lien avec les femmes dévouées qui les ont enlevées au vice, car, le plus souvent, c’est par l’intermédiaire des dames de Reuilly qu’elles ont été pourvues d’une condition honorable. Autant que l’on peut, c’est vers la province qu’on les dirige, dans ces petites villes où la curiosité de tous exerce une sorte de surveillance perpétuelle, où l’absence même de distractions est une sauvegarde, et où jamais l’on n’est sollicité par les mille embûches que Paris ouvre, comme autant de chausses-trappes, sous les pas de la moralité. Quelques-unes se sont mariées, après n’avoir rien caché de leur passé, et font souche d’honnêtes gens. On sait par leurs lettres que leur cœur garde un souvenir de gratitude à la maison austère et tendre où elles ont trouvé le salut.

La maison de la rue de Reuilly n’est pas seulement salle d’asile, disciplinaire et retenue, c’est aussi un noviciat où les femmes qui désirent se consacrer à la vie religieuse, telle que le protestantisme la conçoit et la pratique, font leur éducation. Là, l’existence est réglée, disciplinée, soumise même, mais elle n’a rien de conventuel ; le principe du libre examen influe sur le mode de vivre et imprime à l’initiative personnelle une impulsion qui développe la responsabilité. Entre obéir passivement et se conformer, il existe une nuance très appréciable, et j’ai cru la remarquer en causant avec les dames diaconesses. Il n’est point douteux que la supérieure exerce une autorité sans contrôle, mais à la façon souriante dont elle en parle, il est facile de deviner que les mesures imposées par elle sont le résultat de délibérations où chacune des « sœurs » a été appelée à donner son avis. Je crois reconnaître dans toutes les institutions protestantes une application du régime parlementaire, car je rencontre un pasteur ou une directrice qui représente le pouvoir exécutif et un comité qui agit en qualité de pouvoir législatif. En somme, ce n’est peut-être que le système des grandes sociétés financières : un directeur-général agissant sous la surveillance d’un conseil d’administration. Comme les résultats sont précieux, on peut conclure que le procédé est bon.

« Les diaconesses sont des servantes de Jésus-Christ, qui se consacrent, pour l’amour de Dieu, aux œuvres de miséricorde. » Cette définition que j’emprunte à M. le pasteur A. Decoppet[1] est

  1. Paris protestant, 1 vol. in-12, 1876.