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de toilette que j’ai vainement cherchée dans d’autres maisons analogues : voici le savon, la brosse à mains, la brosse à dents, la brosse à tête, les peignes, la cuvette, le pot à eau débordant, les serviettes ; de-ci de-là j’aperçois quelque flacon de pommade que l’on n’essaie même pas de dissimuler. Quels cris l’on pousserait dans certains refuges que je pourrais nommer, si l’on confisquait à une « repentie » quelqu’un de ces engins de coquetterie qui font essentiellement partie des œuvres de Satan ! Les pauvres petites ne sont point forcées, comme ailleurs, d’aller dans la cour se laver plus que sommairement au robinet de la fontaine. Les diaconesses tiennent à la propreté de leurs pupilles, elles leur en donnent le goût. Elles ont remarqué que les nouvelles venues qui, aux premiers jours de leur arrivée, n’usent pas toute leur provision d’eau, ne tardent pas à demander un supplément qu’on leur accorde avec empressement. Dans plus d’une chambre, sur la couchette, à la place d’honneur, au milieu du traversin, j’ai aperçu une poupée, en perruque ondoyante et en falbalas. J’en ai été touché, et je me suis demandé quels sentimens ce jouet si précieusement choyé aidait à tromper. J’ai entendu dire qu’à défaut de tabac les matelots mâchent de l’étoupe ; est-ce le besoin d’aimer maternellement qui s’exerce sur un simulacre d’enfant ? Les fenêtres sont grillées ; les barreaux de fer qui les protègent laissent entrer la chaleur et la clarté, mais sont un obstacle infranchissable. Cela donne aux chambrettes une apparence de cabanon déplaisante ; mais, à la suite d’une évasion, il a été nécessaire de clore les repenties et de les mettre à l’abri d’elles-mêmes. Autrefois, les croisées étaient libres. Une fillette de dix-sept ans, à laquelle le diable de la jeunesse soufflait de mauvais conseils et qui apercevait au-delà des murs de la retenue toutes les félicités de ce bas monde représentées par les bals de barrière, le bol de vin chaud et la compagnie des jeunes hommes dont le métier est de n’en point avoir, attacha ses draps à la fenêtre et se laissa glisser dans l’espace, comme Fenella de la Muette de Portici. Les draps étaient trop courts ; souple et légère elle s’élança, traversa un petit préau, parvint à grimper sur un mur, hardiment se jeta de l’autre côté et, de jardin en jardin, découvrit une issue qui la rendit à la liberté et à la débauche. Quelques semaines après, on la retrouvait à l’infirmerie de Saint-Lazare. C’est là généralement que conduit la route sur laquelle on l’avait ramassée et qu’elle avait reprise.

Cette évasion est, je crois, la seule qui se soit effectuée depuis que la maison s’est refermée sur les jeunes détenues. On s’y trouve bien, tout au moins on s’y accoutume, et l’on semble comprendre le bienfait d’une éducation qui prépare à la vie régulière ; le vice