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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 juin.

Ce qu’il y a de plus saisissable dans les dernières crises d’où est sorti le ministère qui a déjà un mois d’existence, c’est qu’une situation jusqu’à un certain point nouvelle a été créée. Elle n’est pas seulement nouvelle parce qu’un ministère a succédé à un autre ministère ; elle l’est surtout par le caractère qu’elle a reçu des circonstances, par les conditions respectives où se sont trouvés placés presque à l’improviste le gouvernement et les partis, par ce sentiment intime, à peu près général, qu’il y a eu quelque chose de plus qu’un changement de décoration et d’acteurs sur la scène publique de la France. On a senti tout au moins qu’il y avait un temps d’arrêt dans nos affaires, qu’il y avait eu, à défaut d’un programme préparé d’avance et avoué, la volonté de ne pas aller plus loin dans une voie qui conduisait aux fondrières. C’est un premier fait apparent et avéré. Que deviendra maintenant cette situation ? Qu’en sortira-t-il pour le pays ? Comment se combineront les forces parlementaires avec lesquelles le gouvernement peut s’accommoder et vivre, en restant assez républicain pour ne pas s’aliéner une partie des républicains, et en devenant assez conservateur pour rassurer les intérêts froissés et troublés ? Ici, il faut l’avouer, la question redevient obscure. Provisoirement on se débat ou l’on vit dans une transition assez confuse, mêlée d’équivoques et de sous-entendus, sans s’avouer ce qu’on veut et où l’on va, sans voir bien distinctement ce que produira une expérience peut-être heureuse, peut-être chimérique, tentée dans des conditions sur lesquelles on évite de s’expliquer. Tout au plus le président du conseil, M. Rouvier, réussit-il de temps à autre à se tirer d’affaire par quelque déclaration savamment étudiée. Une chose est parfaitement claire cependant, c’est que le ministère ue se soutient, ne peut se soutenir qu’en