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des pouvoirs, qu’on eût un journal officiel, un Moniteur. Il souhaitait aussi que les rois et les grands-ducs englobés dans la confédération du Rhin empruntassent au royaume de Westphalie et sa constitution et les principes du code civil : « Il y a quelques mois, je m’amusais à taquiner M. de Welden, qui en sa qualité de propriétaire de biens nobles, tremble de voir introduire le code Napoléon. Je lui représentais que les princes allemands ne peuvent se dispenser d’adopter pour leur usage particulier le petit livre auquel l’empereur a travaillé lui-même et qu’il regarde comme son œuvre la plus personnelle, que c’est une politesse qu’ils lui doivent, d’autant qu’il leur a fait déjà quelques insinuations à ce sujet. Mais les Allemands sont encore aussi aveugles qu’il y a vingt ans, et, quoi qu’ils fassent, la grâce manquera toujours à leurs actions. »

Henri Heine disait que les libéraux allemands, trop généreux pour courtiser Napoléon et pour s’allier avec la domination étrangère, étaient demeurés longtemps dans un profond silence; que, lorsqu’il tomba, on les vit sourire, mais de mélancolie: « Ils ne prirent aucune part à l’enthousiasme patriotique qui, avec la permission des autorités supérieures, lit alors explosion en Allemagne; ils savaient ce qu’ils savaient, et ils se turent encore. » Hegel aimait son pays, mais lui aussi savait ce qu’il savait, et il laissa à ceux qui ne savaient rien « le soin de fêter les libérateurs, ces centaines de milliers de Cosaques, de Bachkirs, de patriotes prussiens, » dont on annonçait l’arrivée. Il leur eut pourtant de grandes obligations; on n’attendit pas qu’ils fussent arrivés pour lui payer tout l’arriéré de son traitement. On voulait faire le vide dans les caisses pour qu’ils n’y trouvassent rien à prendre; autant valait faire le bonheur d’un professeur allemand que la joie d’un Bachkir. « j’ai vu de nombreux visages de libérateurs, disait-il, je serai tout à fait heureux quand j’aurai vu le visage d’un Allemand vraiment délivré. « Il considérait pourtant qu’à l’avenir le café serait moins cher et meilleur, qu’on y mettrait moins de chicorée, que les pâtés de Nuremberg ne tarderaient pas à recouvrer leur antique splendeur, que les organisateurs n’organiseraient plus rien, que les Nurembergeois seraient délivrés « de toutes leurs tribulations d’écoles. » — « La canaille se flatte de voir revenir le bon vieux temps. Désormais, disait l’un, on pourra, comme sous le gouvernement précédent, donner un soufflet à quelqu’un en payant 12 batz, — Et gagner 12 batz en le recevant, disait l’autre. »

Il était plus sérieux quand il écrivait à Niethammer, le 29 avril 18U: « De grandes choses se sont accomplies autour de nous ; c’est un étrange spectacle que de voir un énorme génie travailler à se perdre; c’est la tragédie par excellence, τὸ τραγιϰώτατον. L’imbécile et massive médiocrité pèse de son poids de plomb, sans relâche et sans merci,