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de ce liquide dans les laboratoires qu’il a abandonnés depuis longtemps, fissures plus ou moins grandes, boursouflures ou simples pores des roches. Pour ce qui est de son mode de circulation, nous sommes exactement renseignés, comme il a été dit, par des vestiges de divers ordres, qui nous permettent de reconstituer les différentes circonstances du trajet.

Les caractères extérieurs d’un être organisé ne font connaître sa constitution que d’une manière bien incomplète; l’étude anatomique doit pénétrer dans ses organes intérieurs et ses tissus. Ainsi, les sources thermales actuelles, même si l’on prend soin de scruter de la manière la plus attentive la constitution de la contrée et les conditions où elles jaillissent, sont loin de suffire à révéler avec précision leur économie; leurs colonnes d’eau jaillissante, lors même qu’elles ne sont pas accompagnées de gaz irrespirables, nous empêchent, en effet, de parvenir jusqu’à leurs canaux d’ascension. Dans les cas très exceptionnels où il est possible de pénétrer au-dessous de leurs orifices d’émergence, comme dans les captages de Bourbonne et de Plombières, les faits curieux que l’on observe donnent à regretter de ne pouvoir descendre encore plus bas. La nature semble avoir voulu soustraire à nos regards les actions actuelles des eaux souterraines, surtout lorsqu’elles engendrent des minéraux.

Pas plus que la chaleur, l’eau ne fait défaut dans les masses de l’intérieur du globe. Lors même qu’elle ne circule pas dans des canaux naturels, elle y est au moins présente, imbibant les roches les plus compactes ; dans les argiles, bien que combinée, elle n’est pas moins susceptible de réagir chimiquement qu’à l’état de liberté. Ainsi, ce que nous n’obtenons qu’avec beaucoup de difficultés dans nos expériences, l’action de l’eau surchauffée, se trouve forcément réalisé de toutes parts dans l’intérieur des roches, capables de résister aux énormes pressions qu’elle peut mettre en œuvre, bien autrement que nos appareils les plus habilement disposés, toujours prêts à éclater ou à éprouver des fuites.

Dans des masses aussi peu conductrices que les substances pierreuses, la chaleur emmagasinée se conserve très longtemps, circonstance éminemment favorable aux combinaisons chimiques et à la cristallisation. La nature possède, comme nous l’avons déjà remarqué, une autre supériorité sur l’homme : elle a le privilège de disposer de très longs laps de temps; l’importance de cet avantage, au point de vue qui nous occupe, ressort clairement de ce qui s’est produit dans les maçonneries romaines de Plombières. En outre, des réactions qui peuvent se développer avec lenteur ne requièrent pas une température aussi élevée que celles dont la durée est beaucoup plus courte.