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d’avoir raison de Napoléon et de vaincre en lui la révolution, de refaire la puissance autrichienne en Allemagne et en Europe, pour laisser périr les fruits de sa victoire, pour livrer à de nouveaux hasards un ordre qu’il avait contribué à créer, dont il croyait être le premier gardien. Comme beaucoup d’hommes du temps, M. de Metternich était sorti des terribles crises du commencement du siècle avec la passion de la paix, « du repos. » Et il n’entendait pas seulement parce mot la paix entre les nations, la « sécurité des possessions » garantie par les grandes alliances ; il entendait aussi le repos intérieur des peuples mis à l’abri des agitations révolutionnaires sous l’absolutisme paternel des gouvernemens légitimes restaurés partout. Il y voyait un intérêt autrichien, il y voyait en même temps un intérêt universel. Il voyait dans la paix extérieure et intérieure un principe, une sorte de « dogme » dont il se faisait l’apôtre, qu’il était résolu à défendre contre de nouveaux ennemis. Il y a des momens où il parle de son « apostolat » avec la vanité confiante de l’homme qui se croit le bienfaiteur de l’humanité pacifiée, qui bientôt, au cours de ses voyages au-delà des Alpes ou sur le Rhin, dira que partout où il paraît « sa présence est d’un incalculable effet, » qu’il est attendu u comme le Messie pour délivrer les pécheurs. » Il faut en rabattre ! La réalité dément plus d’une fois les illusions du ministre qui fut longtemps heureux. L’homme n’a pas moins son originalité. Je voudrais reprendre dans ses principaux traits cette politique, mélange singulier de prétention et de subtilités, de force et de ruse, de dogmatisme et d’infatuation. Je voudrais montrer M. de Metternich à l’œuvre, — Dans ses luttes aussi compliquées que laborieuses pour ressaisir la direction de l’Allemagne troublée, — Dans sa campagne pour défendre la paix, l’ordre de la sainte-alliance contre les révolutions nouvelles, — Dans le jeu de sa diplomatie pour préserver l’équilibre de l’Europe menacé par les ambitions rivales.


II.

Quelle était la politique de M. de Metternich en Allemagne, dans cette Allemagne nouvelle de 1815 qu’il avait plus que tout autre contribué à créer ? Elle n’avait sûrement rien d’idéal ; elle avait son but auquel elle marchait à travers les dissimulations et les détours.

Aux momens où s’était agitée cette question d’une réorganisation germanique qui soulevait toutes les opinions, toutes les passions, tous les intérêts, M. de Metternich, en homme qui s’est flatté de