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et plus qu’un parti : il est une façon d’être de l’Allemagne. Il est bâti sur la nature et sur l’histoire.

L’église catholique, sachant qu’elle disposait d’une force défensive considérable, est donc entrée la tête levée dans la lutte. Par centaines de mille, les électeurs se sont groupés autour d’elle. Elle a montré qu’elle savait, si ancienne qu’elle fût, pratiquer le terrain moderne, manier le suffrage populaire, organiser un groupe parlementaire, manœuvrer entre les partis, attirer autour d’elle et rallier les opposans les plus divers. Il n’est pas vrai qu’elle soit ennemie de l’empire, mais elle entend défendre envers et contre tous, non-seulement sa vie, mais toutes les institutions qu’elle juge nécessaires à cette vie. Elle est, dans la mobilité des choses, dans les inconstances des opinions, comme une ferme forteresse dont la garnison peut bien entendre à composition, mais non point capituler.

Ainsi l’établissement de l’empire a eu pour effet de produire sur la scène, avec les protestataires qui sont des irréconciliables, deux partis appuyés sur des masses profondes. L’un, soumis à deux sortes de lois, distingue entre le spirituel et le temporel, entre l’état et l’église, entre la terre et le ciel, entre les hommes et Dieu ; l’autre ne connaît que le temporel, rejette l’église comme l’état, confond le ciel et la terre et absorbe Dieu dans l’humanité. Ils se ressemblent en ce point que ni l’un ni l’autre ne peut être enfermé ni contenu dans les frontières de l’état allemand. Tous les deux les dépassent, le premier parce qu’il est membre de l’église universelle, le second parce qu’il est un bataillon de l’universelle démocratie.

Catholiques, socialistes, protestataires, voilà trois groupes capable de troubler profondément la vie constitutionnelle de l’Allemagne. Ils sont établis fortement et irréductibles. Ils ne forment pas, il est vrai, la majorité, mais ils occupent le tiers de l’assemblée. Pour les tenir en respect, il faudrait que le gouvernement disposât d’une majorité compacte et fidèle; mais, en Allemagne comme partout, ce sont les partis militans qui usent avec le plus de ferveur du droit de suffrage : plus qu’ailleurs peut-être, la grande masse est indifférente. L’habitude n’est point prise de la vie publique. Les événemens politiques ne sont point étudiés et discutés avec intérêt ou avec passion comme chez nous. L’Allemagne a gardé une sorte de mollesse et de lenteur. Le Reichstag a des somnolences ; rarement il siège au complet; tels députés n’y paraissent guère, et les journaux des circonscriptions électorales ne signalent pas les absences, ne notent pas les votes, comme fait notre presse départementale après chaque discussion. Les seules passions qui se manifestent