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ouverte en Allemagne, comme en France la question des sous-préfets.

Je sais bien qu’il y a en Bade, en Hesse, en Wurtemberg, en Bavière, des habitudes qui ne se perdront pas du jour au lendemain. Son altesse ou sa majesté y a gardé des fidèles parmi les bonnes âmes. Ceux qui trouvent un peu lourdes les charges de l’empire peuvent bien regretter tout bas le bon vieux temps. Chacune de ces principautés a d’ailleurs son petit parlement, qui se croit nécessaire. L’auteur de l’Allemagne actuelle par le des velléités d’opposition qu’on y rencontre : « On y sourit volontiers, dit-il, lorsque quelque orateur donne, sans avoir l’air d’y toucher, un coup de patte à la Prusse; » mais cette opposition est aussi impuissante que celle des souverains ; elle ne forme point un parti contre l’empire. Personne n’a eu l’idée de solliciter un mandat au Reichstag pour demander la suppression du Reichstag. Bref, il subsiste encore et il subsistera longtemps des différences provinciales ; le tempérament germanique résistera toujours à une action trop forte d’un pouvoir central, mais il n’y a plus de place désormais en Allemagne pour de véritables états allemands.

Reste, pour expliquer la mauvaise humeur à l’égard de l’empire, l’antipathie insurmontable que tout homme ne au sud du Mein éprouverait pour son compatriote du nord. Il y aurait deux Allemagnes inconciliables; toute l’histoire attesterait qu’elles ne peuvent s’entendre. Les savans en effet invoquent le souvenir d’Arminius l’homme du nord, guerroyant contre Marbod l’homme du midi, au risque de livrer à Rome la Germanie divisée, et cet exemple n’est que le premier d’une série qui se poursuit jusqu’à nos jours.

Il est vrai qu’un Allemand du nord se distingue au premier coup d’œil d’un Allemand du sud, bien que ces deux personnes ne diffèrent point de la même façon qu’un Flamand ou un Picard diffère d’un Provençal. Le midi en Allemagne est un plateau adossé aux Alpes, et non point un littoral ouvert aux souffles tièdes ou brûlans qui passent sur la Méditerranée. L’oranger ne fleurit pas en Wurtemberg ; la Bavière ne produit point de Numa Roumestan, et si Tartarin pousse jusqu’en Tyrol ses expéditions aventureuses; il étonnera beaucoup les Tyroliens. Ces méridionaux d’Allemagne sont singulièrement rudes à côté des nôtres. Écoutez-les parler : la langue allemande, qui chante dans la bouche d’un Thuringien et siffle sur les lèvres d’un Brêmois, le Souabe ou le Bavarois la broie. Tout compte fait pourtant, la vie est plus facile et plus riante au midi et au centre qu’au nord de l’Allemagne. La politique y a été de tout temps moins exigeante, et elle a plus librement laissé vivre la nature. Au contraire, elle a renforcé au nord l’influence du ciel