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mais les qualités d’exécution sont moins fines et moins personnelles que chez M. Sul-Abadie.

Le Salon de 1887 nous offre, relativement aux Salons précédens, un assez petit nombre de travaux de sculpture monumentale ou décorative ; quelques-uns d’entre eux sont fort intéressant. Les trois morceaux de M. Injalbert, pour la préfecture de l’Hérault, nous reportent aux chefs-d’œuvre les plus hardis de la sculpture mouvementée et pittoresque des décorateurs architecturaux du XVIIe siècle, dont Pierre Puget est demeuré le maître incomparable. M. Injalbert, sculpteur méridional, travaillant pour un édifice méridional, ne pouvait s’inspirer d’une tradition mieux appropriée. Sa pièce centrale, en ronde-bosse, représente l’Hérault assis, parmi des herbes aquatiques et des ceps de vignes, un aviron à la main, accoudé sur son urne penchante dans l’attitude familière aux fleuves de vieille race. Ce fleuve du Midi, d’humeur inégale et violente, comme tous les torrens, ses voisins, que l’été consume et que l’automne gonfle dans leurs lits brûlans et pierreux, semble aussi agité que vénérable. Sa longue barbe en désordre, ses cheveux flottans, ses draperies envolées, les contractions vives de ses membres robustes et noueux lui donnent un aspect énergique et vivant. Ce serait presque un géant redoutable, si l’on ne sentait, dans sa bonhomie souriante, sous cet appareil formidable, un fonds de sérénité naturel aux dieux bruyans mais pacifiques des pays aimés du soleil. Son compagnon, l’Orbe, qui siège, à sa droite, en haut-relief, est, de même, un majestueux vieillard, chevelu et barbu, très fier, comme son chef, de porter à la main un aviron de luxe sculpté et chantourné ; il s’agite dans un beau paysage, au-dessous d’une montagne couverte de fabriques imposantes. A sa droite, dans un autre compartiment en hauteur comme le second, apparaît une figure plus paisible, la Source du Lez, sous la forme d’une belle nymphe, saine et robuste, comme ses sœurs antiques de. la province romaine ; elle manie aussi un bel aviron et rêve, d’un rêve plus tendre, au pied de hautes collines où un lion, conduit par l’amour, s’achemine vers un temple antique. Ainsi que les deux vieillards, cette jeune femme, très belle et très vivante, se place, avec une aisance parfaite, dans son milieu décoratif. L’anatomie en mouvement de ces corps robustes ne s’y fait sentir que par la souplesse de leurs membres. L’étude du modèle ne s’y trahit pas par ces déplaisantes et froides sécheresses, si fréquentes dans la plupart des œuvres contemporaines. Le sujet a donc été convenablement préparé par le travail d’imagination avant d’être achevé par le travail d’exécution. M. Injalbert avait déjà prouvé, par son Christ en croix et son Atlas portant le monde, la solidité de sa science, la