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se vaporise, sa haute température tombe tout à coup et descend à celle de l’eau bouillante.

L’eau expulsée des volcans nous donne seulement une idée bien restreinte de l’importance de son domaine dans les profondeurs de la terre. Si l’on considère la possibilité qu’elle trouve de pénétrer, par capillarité et par d’autres moyens, dans des régions internes d’une très haute température, on ne peut douter que ces régions ne recèlent de l’eau surchauffée. Emprisonnée entre des parois rocheuses d’une énorme résistance, elle peut acquérir une tension que certaines expériences récentes montrent comme étonnamment puissante.

Ce n’est donc pas à des émissions ostensibles que l’eau souterraine borne son rôle ; sans se montrer, elle doit contribuer aussi à des actions mécaniques. En présence de l’immense force employée par elle lors des éruptions, quand elle pousse la lave à l’altitude de l’Etna, on peut admettre que, dans les régions où elle ne trouve pas d’issue, animée de cette énorme pression, elle soit aussi une cause efficace des tremblemens de terre, même des plus formidables[1]. Ces derniers seraient des éruptions volcaniques qui ne peuvent aboutir. Les agitations se produisent tout particulièrement dans les contrées dont le sol est disloqué et qui a le plus récemment acquis son dernier relief. Cette constitution géologique, reconnue comme spécialement en rapport avec les tremblemens de terre, aurait précisément pour effet de favoriser, par de grandes cassures, l’alimentation en eau des régions profondes et chaudes. De telles conditions sont réalisées dans toutes les parties du bassin de la Méditerranée, si fréquemment et si violemment agitées depuis les temps historiques, et, tout récemment encore, dans la région dépendant de la Ligurie et du département des Alpes-Maritimes.

Les faits que les eaux souterraines viennent de nous apprendre, pour l’époque actuelle, aident à se faire une idée de ce qu’elles ont produit dans des temps très reculés, aux époques géologiques. Les minéraux, qui sont leur œuvre et dont nous parlerons prochainement, permettent de suivre, comme à la piste, le chemin qu’elles ont parcouru, il y a des milliers de siècles.


DAUBREE.

  1. Voyez la Revue du 1er avril 1885.