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maintenant) à la fois plus simple et plus loyal, au lendemain de la mort de Charles VI, de tenir fidèlement parole à son héritière et au besoin même de lui venir en aide, sauf à réclamer d’elle, en retour, quelque témoignage de reconnaissance ? Cette vérité, qui ressortait tardivement des faits, venait même de subir, comme par une opération mathématique, le contrôle de la preuve et de la contre-épreuve. En quatre ans, en effet, trois grandes armées expédiées ou plutôt engouffrées en Allemagne, s’y étaient fondues de misère et d’impuissance, et trois généraux estimés, Belle-Isle, Maillebois et Noailles, avaient consumé leurs forces et compromis leur renommée dans cette tâche ingrate. Et voilà qu’en moins de six mois, un jeune roi qui n’entendait rien à La guerre, et Maurice de Saxe, un étranger inconnu la veille, par le seul fait qu’ils combattaient aux portes de la France, avaient relevé l’honneur du nom français, mené à fin une série d’heureuses et brillantes opérations, et mis la main sur d’importantes conquêtes ! Rien ne pouvait mieux démontrer que, s’il était dangereux pour la France de s’engager elle-même dans les divisions de l’Allemagne, il lui était aisé de profiter de la défaillance qui en était la suite pour étendre le rayon naturel de son action politique et militaire, et fortifier autour d’elle ses défenses nationales ? Et c’est au moment même où le sentiment des fautes commises, comme le regret de s’y être laissé entraîner, était général, où la perspective de nouveaux sacrifices à faire, — probablement aussi peu payés de retour, — entretenait dans les esprits les plus sombres préoccupations, que, par un coup inattendu de la Providence, on se retrouvait subitement reporté de quatre ans en arrière, et la France pouvait se croire délivrée des liens dont elle s’était laissé si imprudemment enchaîner. Quoi d’étonnant, alors, que la fin de cet empereur inerte et impuissant, qu’il fallait, la veille encore, non-seulement faire régner, mais faire vivre, — non-seulement protéger, mais nourrir, — parut décharger la conscience publique d’un poids qui pesait sur elle ? Puisque le trône impérial était de nouveau vacant, quoi de plus simple et de plus indiqué que de profiter de l’expérience, et de se tenir cette fois en dehors de toute compétition, en faisant payer à Marie-Thérèse, par une paix avantageuse, une abstention dont, plus que tout autre, le grand-duc, son cher époux, le candidat préféré de son orgueil et de son amour, serait en mesure de profiter !

À certains égards même, il semblait que, si on oubliait un instant le sang versé et l’or prodigué pendant quatre années de souffrances et de combats, la position de la France, pour entamer une négociation pacifique de ce genre, fût plus forte qu’au premier jour.