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distance et garnies de canons. Entre ces bastions improvisés, il déployait sur deux lignes son infanterie et son artillerie presque tout entière, présentant ainsi d’un bout de la plaine à l’autre un front de bataille continu. Sa forme était celle d’un angle très obtus dont une des extrémités touchait à droite au village d’Anthoin, sur le bord de l’Escaut, l’autre à gauche au bois de Barry, tandis que le sommet était placé en avant de ces deux points, au village de Fontenoy. Anthoin était protégé par de fortes batteries de canons placées des deux côtés de l’Escaut ; Fontenoy et le bois de Barry par des redoutes ; en outre, le village et le cimetière de Fontenoy étaient fortifiés et crénelés. Ces petits centres pouvaient faire entre eux des feux croisés qui semblaient rendre impossible le passage par l’intervalle qui les séparait. Au fond de la plaine, là où le sol s’abaissait, suivant un plan incliné pour se rapprocher de Tournay, restaient en réserve trois régimens d’infanterie, dérobés aux regards par la pente du terrain.

La cavalerie, forte de soixante-huit escadrons, était massée derrière les lignes d’infanterie, principalement sur la droite, entre Anthoin et Fontenoy. Plus en arrière, dans un hameau qu’on appelait la Chapelle-de-Notre-Dame-aux-Bois, et autour d’une petite éminence que surmontait un moulin à vent, stationnaient les escadrons de la maison du roi, les carabiniers et la gendarmerie, arrivés de Douai le matin même. C’était là que le roi devait venir prendre place pour assister, de ce point élevé, à tous les incidens du combat. Sa retraite était assurée par le pont de Galonné, dont les deux extrémités étaient défendues par de puissantes batteries. Enfin, pour compléter l’ensemble de ces dispositions, Maurice avait placé dans le bois de Barry une compagnie franche appelée la compagnie des Grassins, d’après le nom du partisan qui, suivant une pratique empruntée aux âges précédens (mais encore usitée, bien qu’assez rarement), l’avait levée à l’entreprise et en gardait le commandement. Puis, tout à fait à gauche et en dehors du champ de bataille, deux brigades de cavalerie étaient détachées, sous le commandement du comte de Lowendal, avec charge de surveiller toute démonstration hostile qui serait faite du côté du cours inférieur de l’Escaut.

Dès l’aube, le roi se mit en devoir de venir prendre la place qui lui était réservée. Le maréchal doutait encore que sa résolution de se mêler lui-même au combat persistât jusqu’au bout, et peut-être, au fond de l’âme, aurait-il préféré ne pas avoir à répondre de la sûreté d’une personne si précieuse. Aussi, feignant de croire et espérant peut-être qu’après un coup d’œil donné pour constater l’exécution des mesures convenues, de prudens conseillers