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Après M. de Freycinet est venu M. Floquet, qui a été appelé à son tour à l’Élysée, et qui s’est mis aussitôt en campagne pour composer son ministère. M. Charles Floquet est depuis longtemps président de la chambre des députés. Il ne manque pas d’esprit, il montre souvent dans ses fonctions de l’à-propos, du tact et même une certaine impartialité. Il a réussi au Palais-Bourbon : qu’irait-il faire au ministère ? M. Floquet a l’ennui de compter dans ses souvenirs de jeune bousingot une certaine apostrophe à l’empereur Alexandre II de Russie, qu’il ne demanderait sûrement pas mieux que d’oublier, et qui n’est peut-être pas de nature à rendre sa position de président du conseil bien facile ; il expie ses frasques de jeunesse. Il a, d’un autre côté, signé un programme du radicalisme le plus extrême. Il n’aurait certainement pas prétendu porter son programme au pouvoir ; il n’aurait même pas hésité, paraît-il, à rechercher l’alliance d’hommes plus modérés pour réaliser à sa façon l’éternelle concentration républicaine. Il ne serait pas moins resté ce qu’il est, un radical d’opinions, président du conseil radical, et il est clair que dans ces conditions un ministère de fusion comme celui qu’il se flattait de former était à peu près impossible. Il devait surtout rencontrer des résistances invincibles dès qu’il se proposait, comme M. de Freycinet, du reste, de maintenir M. le général Boulanger au ministère de la guerre. Dès qu’il a eu prononcé ce nom, il n’a plus trouvé d’alliés parmi les modérés de l’opportunisme, et former un ministère purement radical était une manière d’aller dès le premier jour à une défaite certaine, même devant la chambre. M. Floquet a donc échoué dans sa campagne comme M. de Freycinet dans sa double tentative. Ils n’ont pu, ni l’un ni l’autre, former un ministère, et c’est alors que M. le président de la république en est revenu à M. Rouvier, président de la commission du budget, qui a porté le coup décisif au dernier cabinet. Est-ce bien cette fois la combinaison définitive ? Est-ce le dernier mot de cette crise de douze jours, semée ou entrecoupée de toute sorte d’incidens bizarres, de négociations multiples, d’intrigues qui trouveraient leur place dans une comédie politique du temps ? On peut provisoirement le croire.

Eh bien ! que va être et que fera ce ministère Rouvier substitué à un ministère Freycinet ou à un ministère Floquet et reprenant l’héritage du ministère Goblet ? C’est là maintenant la question. Tout n’est peut-être pas encore fini ou finit à peine, puisque, jusqu’au dernier moment, les noms ont changé et la combinaison a eu ses métamorphoses partielles. Le cabinet paraît pourtant être arrivé à se constituer et à prendre figure. Il comprend, à part M. Rouvier, qui, avec la présidence du conseil, garde le ministère des finances, M. Flourens, qui, seul survivant du dernier cabinet, reste au ministère des affaires étrangères, M. Fallières, qui a été déjà au ministère de l’intérieur, M. Spuller, qui a le ministère de l’instruction publique ; un militaire de