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Quand on lit l’article 275 de la loi organique militaire, le premier sentiment est l’étonnement, puisque aujourd’hui encore des médecins des hôpitaux, des agrégés ont le grade de médecin-major de première classe de réserve. L’étonnement ne tarde pas à faire place à l’indignation. Cet article est une injure qui nous est faite, à nous professeurs titulaires de la faculté de médecine, à nous chirurgiens des hôpitaux de Paris, à nous les représentans de la science française, et ce qu’il y a de grave et de profondément triste, c’est que cette injure nous soit faite dans un document officiel, dans un projet de loi présenté devant une chambre française, par la plus haute autorité du pays. Voici cet article :

Article 275. — « Les médecins de réserve pourront être promus aux grades de médecin aide-major de deuxième et de première classe (lieutenant) et de médecin-major de deuxième classe (capitaine), dès qu’ils auront l’ancienneté de grade exigée par la présente loi pour la nomination au grade supérieur, s’ils appartiennent à l’une des catégories suivantes : 1° professeur titulaire ou agrégé dans les facultés de médecine, les facultés mixtes, les écoles supérieures de pharmacie et les écoles de médecine ; 2° médecins ou chirurgiens des hôpitaux des villes où les emplois sont donnés au concours. La durée du stage est réduite à six semaines pour le personnel des officiers du service de santé appartenant aux catégories mentionnées ci-dessus. »

Ainsi, les collègues, les successeurs des Velpeau, des Nélaton, les hommes qui, par leur mérite établi par les concours et consacré en dernier lieu par l’élection de leurs pairs, tiennent légitimement la situation la plus élevée dans la médecine française, s’ils sont arrivés de très bonne heure et par un mérite exceptionnel à cette haute situation, ou s’ils veulent, en temps de guerre et quoique exempts par l’âge, consacrer leurs fatigues, leur zèle et leur savoir au salut de nos blessés, ceux-là auront le grade d’aide-major de deuxième classe (lieutenant en second) et, pourvu qu’ils aient l’ancienneté de grade, ils pourront s’élever jusqu’à la situation modeste de médecin-major de deuxième classe (capitaine) ; mais ils ne pourront dépasser ce grade, et ils auront au-dessus d’eux des majors de première classe, des principaux de deuxième et de première classe, des inspecteurs du service de santé. Il en sera de même des médecins et des chirurgiens des hôpitaux de Paris, des agrégés de notre faculté de médecine, eux, les jeunes maîtres de la science, eux qui sont l’honneur de la médecine et de la chirurgie françaises, et supérieurs en savoir, en expérience clinique, en valeur scientifique à tout ce que pourrait leur opposer, sauf sept ou huit exceptions, la médecine militaire tout entière. Un seul mot fera comprendre la portée de la loi française et justifiera notre