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et dont il faisait un peu témérairement la promesse à ses alliés, ne pouvait être autre que celui que j’ai indiqué moi-même comme le seul qui fût de nature à conduire la France au but qu’elle s’obstinait, à tort ou à raison, à poursuivre en Allemagne ; celui, par conséquent, qui n’avait pas même été discuté ni entrevu dans le conseil des ministres : je veux dire la concentration de toutes nos ressources sur un point et vers un objet unique. Pour rétablir sur le corps germanique la domination un instant acquise à Belle-Isle, mais que tant de secousses avaient ébranlée et qu’un dernier coup venait de mortellement atteindre, il fallait la racheter, en quelque sorte, à prix d’argent et la reconquérir à la pointe de l’épée. Ce n’était pas trop de toutes nos forces pour suffire à une telle tâche. Mais du moment que l’on persistait à disperser l’action de la France sur trois théâtres éloignés l’un de l’autre, — à recruter, à nourrir, à mettre en ligne et en campagne trois armées, toutes obligées de vivre sur un même fonds, qui n’était pas inépuisable, — il était clair que la limite imposée par cette triple entreprise à nos sacrifices nous commandait de les réduire là où il aurait été le plus nécessaire de les prodiguer. Chavigny ne songeait qu’à l’Allemagne, et effectivement, pour s’en rendre ou y rester maître, il aurait fallu ne point avoir eu tête d’autre pensée ; mais d’Argenson était bien obligé de songer aussi à l’Italie et surtout à la Flandre, où rien ne devait être négligé pour assurer le succès d’une prochaine expédition royale. Dès lors, quand il s’agissait d’entretenir le conseil des demandes transmises par Chavigny, en fait, soit d’hommes, soit d’argent, il devait se heurter contre une impossibilité matérielle que ses collègues n’avaient pas de difficulté à lui démontrer. On lui prouvait sans peine qu’il n’était pas possible de détacher un bataillon, ni de l’armée que le maréchal de Maillebois gardait sur les deux rives du Rhin pour défendre la frontière de France, ni de celle que le maréchal de Saxe rassemblait pour permettre au roi devenir en personne achever la conquête des Pays-Bas. Quant à l’argent, l’état du trésor ne permettait pas d’augmenter les subsides fournis à la Bavière ; il convenait même, dut-on leur dire, de les diminuer, principalement ceux qu’on appelait les subsides alimentaires et qui étaient destinés à pourvoir à la dépense personnelle du souverain, car un simple électeur n’avait pas besoin d’un train de maison aussi coûteux que le chef d’un grand empire.

Contraint par là de refuser à peu près tout ce qu’à Munich on attendait et même on réclamait de lui avec impatience, le ministre, ennuyé de ce rôle maussade, finit par en concevoir une humeur qu’il avait peine à déguiser, et qu’il fit retomber tour à tour sur la tête ou du jeune électeur, trop peu soucieux, suivant lui, de se tirer d’affaire lui-même, ou de l’agent qui se faisait l’intermédiaire trop