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si l’on veut agir sérieusement, rendre à la France la sécurité financière, c’est toute la politique qu’il faut changer.

Le mal du temps est dans cet esprit qui remue tout et agite tout sous prétexte de réformes, par une sorte de fanfaronnade de parti, qui joue avec les finances comme il joue avec les intérêts les plus inviolables de la puissance nationale par cette loi militaire qu’on veut encore remettre en discussion. S’il est d’abord un fait surprenant, c’est que, pour l’étude et la préparation d’une loi de cet ordre, de cette importance, on ait négligé les plus simples garanties. Chose singulière! le ministre de l’instruction publique a un conseil supérieur, et il le consulte d’habitude dans les affaires de l’enseignement. Le ministre des travaux publics a un conseil des ponts et chaussées, et il lui demande ses avis sur les entreprises d’utilité publique. M. le ministre de la guerre seul paraît avoir jugé inutile de consulter le conseil supérieur institué auprès de lui précisément « pour aider le ministre à résoudre, avec les lumières et l’unité nécessaires, les questions relatives à l’organisation de l’armée. » Il y a dans la commission parlementaire, qui a été nommée pour accomplir la grande œuvre, des avocats, des médecins, des industriels, même quelques anciens militaires qui ont quitté le service : ceux-là seuls, à ce qu’il paraît, sont compétens; ils n’ont pas besoin de l’opinion, de l’expérience du conseil supérieur, de ce conseil chargé, selon M. le général Campenon, de « donner à l’armée toute sécurité pour la conservation des traditions qui font sa gloire et sa force. » N’y eût-il que cela, il y aurait de quoi s’arrêter pour faire avant tout appel à l’expérience du conseil supérieur de la guerre; mais à part même cette légèreté ou cette insuffisance de préparation, où est la nécessité, où est surtout l’opportunité de cette loi nouvelle, qui reste suspendue sur l’armée? Veut-on coordonner toutes les lois militaires, réunir dans un vaste ensemble toutes les dispositions organiques qui règlent la marche et le mouvement de cette puissante et intelligente machine qui s’appelle l’armée? On a commencé par invoquer cette raison, par avouer cette pensée un peu ambitieuse. On n’a pas tardé à reculer devant cette immense tâche. On en est aujourd’hui-à scinder le projet organique, à procéder par propositions fragmentaires, sans remarquer que tout cela se tient, que la réduction du temps de service, par exemple, est impossible tant qu’on n’a pas constitué des cadres, et qu’à procéder comme on le fait, on s’expose tout simplement à tout désorganiser et à tomber dans la plus étrange confusion. Mieux vaudrait cent fois s’en tenir au vieux système, qui, sous des couleurs moins ambitieuses, était plus rationnel, qui consistait à régler par des lois spéciales, quoique inspirées d’un même esprit, toutes les parties de l’organisation militaire.

Aborder tout à la fois, mettre à la fois tout en question, ce serait toujours, sans doute un inconvénient ; il serait bien plus grave, et il