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L’ARMÉE ROYALE EN 1789.

et voilà son état mental en 1781. Dans ses armées comme dans son clergé, Louis XIV avait toujours eu soin de faire une part à la roture. En 1789, sur 11 maréchaux, je relève 5 ducs, 4 marquis, 1 prince et 1 comte. Sur 196 lieutenans-généraux, tous sont nobles, 9 seulement non titrés. Sur 770 maréchaux de camp, il n’y en a que 136 qui ne soient pas titrés et 46 qui n’aient pas la particule, — Ce qui n’implique nullement, d’ailleurs, qu’ils ne fussent pas nobles. Sur 113 brigadiers d’infanterie, 39 seulement ne sont pas titrés et 8 n’ont pas la particule. Dans les troupes à cheval, la proportion est plus faible encore : 52 brigadiers de cavalerie ; non titrés, 14; sans particule, 1; 17 brigadiers de dragons; non titrés, 4; sans particule, 0. Voilà pour les officiers-généraux. Au degré inférieur, parmi les colonels, on retrouve la même composition exclusivement aristocratique : 9 princes, 5 ducs, 25 marquis, 40 comtes, 12 vicomtes, 7 barons, 5 chevaliers, et 6 non titrés seulement pour 109 régimens d’infanterie.

A côté de ces puériles restrictions, signalons cependant quelques bonnes mesures prises à diverses époques pour limiter la prérogative royale en matière d’avancement. C’est d’abord, en 1759, une ordonnance, signée Belle-Isle, disposant qu’à l’avenir « aucun officier ne pourra être pourvu d’un régiment avant d’avoir accompli sept années de service au moins, dont cinq comme capitaine[1].» Un peu plus tard, sous le ministère de Choiseul et sous celui de Saint-Germain, ce sont deux nouvelles ordonnances qui retardent, la première jusqu’à vingt-cinq ans, la seconde jusqu’à vingt-neuf, l’époque de l’admission au grade de colonel ou de mestre de camp, et qui exigent des candidats à ce dernier emploi six ans de service comme mestre de camp en second. C’est enfin, en 1788, une ordonnance du 17 mars sur la hiérarchie des emplois militaires, portant « qu’aucun sujet ne pourra être admis au service de Sa Majesté, dans les emplois de sous-lieutenant, qu’autant qu’il aura seize ans révolus (à l’exception des cadets gentilshommes, qui pourront l’être à quinze), et qu’après avoir subi devant les inspecteurs un examen détaillé sur la discipline, l’exercice, le service et les devoirs des soldats, caporaux, bas officiers

  1. Voir Rousset, le Comte de Gisors, p. 453. Cette ordonnance fut renouvelée quelque temps après par le maréchal de Muy.