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L’ARMÉE ROYALE EN 1789.

formation, d’ailleurs, laissait fort à désirer, et contrastait de la façon la plus choquante avec la constitution générale de l’armée. Telle de ses compagnies n’avait pas soixante hommes ; telle autre en comptait jusqu’à trois cents. Les effectifs de ses escadrons et même de ses régimens ne variaient pas moins. Les gardes françaises étaient plus de quatre mille. Les gardes suisses n’allaient pas au-delà d’un millier d’hommes. On conçoit combien, en cas de guerre, une troupe aussi disparate eût été difficile à manier. Les vrais généraux lui préféraient de beaucoup d’autres corps, moins brillans peut-être, mais tout aussi solides, avec moins de prétentions, de luxe et de bagages.

La composition des troupes de ligne était infiniment plus régulière. Après avoir, elle aussi, passé par beaucoup de vicissitudes, elle avait fini par se préciser et se fixer. Le temps n’était plus où nos régimens formaient plusieurs catégories, n’ayant ni les mêmes effectifs, ni le même nombre d’escadrons ou de bataillons, ni la même solde, ni les mêmes droits, avantages ou honneurs. On ne distinguait plus entre les vieilles troupes[1] et les autres, entre les six vieux et les six petits vieux[2], entre les régimens royaux, les régimens de princes, les régimens de gentilshommes, les régimens de province[3], les régimens à prévôté[4] et les régimens fournis de l’ustensile[5]. La plupart de ces inégalités avaient disparu sous l’empire des idées et du mouvement qui, bien avant la révolution, poussaient déjà l’ancien régime au nivellement de toutes ses institutions. Les dernières ordonnances avaient ramené presque tous les corps à la même composition. Sauf l’infanterie légère, dont la constitution en bataillons séparés répondait à des nécessités de service en campagne, et le régiment du roi, qui avait été maintenu à quatre bataillons, les régimens ne comptaient plus : ceux d’infanterie

  1. Les vieilles troupes étaient celles qui avaient été levées avant la paix des Pyrénées; elles avaient entre autres privilèges celui de former les têtes de brigade et de subir des réformes moins dures que les autres à la paix.
  2. Les six vieux et les six petits vieux formaient une véritable troupe d’élite, et c’est avec raison qu’on a pu les comparer à la vieille et à la jeune garde impériale. Leurs hauts faits dans les guerres du XVIIe et du XVIIIe siècle valent les plus beaux exploits des gardes françaises eux-mêmes.
  3. Louis XIV avait, sans compter Royal-Artillerie et Royal-Bombardiers, neuf régimens dont il était colonel propriétaire. C’étaient le régiment du roi, Royal-Vaisseaux, La Couronne, Royal-Roussillon, Royal-Marine, Royal-Italien, Royal-Comtois et Royal-Bavière. Dix autres régimens appartenaient, en outre, à des princes du sang en 1715; quinze à des gentilshommes.
  4. On appelait ainsi les régimens qui avaient le droit de former dans leur propre sein des conseils de guerre. Les autres dépendaient du grand prévôt de l’armée.
  5. Ceux auxquels le roi fournissait les objets de caserne et de campement, ainsi que les voitures et les chevaux nécessaires à leur transport.