Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 81.djvu/393

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
387
L’ARMÉE ROYALE EN 1789.

qu’en dépit des ordonnances et avec la complicité des intendans et de leurs subdélégués s’était établi l’usage des cotisations, et que cet usage avait conduit au remplacement. Les cotisations entre les miliciables d’une même paroisse n’avaient eu dans le principe d’autre but que d’assurer à celui d’entre eux qui amenait le billet noir une indemnité pécuniaire. C’était ce qu’on appelait mettre au chapeau. Mais cette mise au chapeau n’avait pas tardé à se transformer en une véritable prime d’engagement que touchait « le garçon qui s’offrait à servir volontairement[1] », qu’il fût ou non de la paroisse, et qui atteignait souvent une somme assez élevée[2]. D’où ce double préjudice : pour les communes de s’obérer et pour les troupes réglées de ne plus pouvoir faire leurs recrues « qu’avec des peines et des dépenses infinies au moyen de tous ces hommes admis à grand prix dans les milices[3]. »

C’étaient là, sans contredit, de graves abus; encore ne faisons-nous qu’en indiquer les plus gros, et l’on conçoit aisément le sentiment de répulsion que le tirage au sort ainsi pratiqué devait exciter chez nos pères. Un système fondé tout entier sur l’arbitraire et le privilège, et d’une application tellement difficile que le gouvernement lui-même était obligé de le violer, un tel système n’était plus soutenable et ne se soutenait plus en 1789 que par la force de l’habitude et de l’impulsion acquise, et seule une réforme radicale, faite à temps, eût peut-être pu le sauver.


III. — COMPOSITION ET FORMATION.

La Maison militaire n’offrait plus, à beaucoup près, le bel ensemble qu’elle avait longtemps présenté sous les deux derniers règnes. Elle ne se composait plus que des huit corps suivans : gardes du corps, compagnies françaises, compagnies des cent-gardes suisses, compagnies des gardes de la prévôté, gardes françaises, gardes suisses, gardes du corps de Monsieur et gardes du corps du comte d’Artois[4]. Avaient été successivement réformés depuis

  1. Mémoire sur les dépenses de la milice dans la généralité de Paris. — Boislisle, Mémoire des intendans, V. I, 1455.
  2. Au commencement, elle ne montait pas très haut, à 60 fr. 75 ou 100 fr. au plus. — Boislisle, Correspondance des contrôleurs-généraux, I, 389. Mais, petit à petit, les prix s’étaient accrus et beaucoup de paroisses ne regardaient pas à payer fort cher les sujets de bonne volonté. « Elles se consument en frais. » On retrouve souvent cette expression dans les circulaires ministérielles.
  3. Voir notamment la circulaire du ministre de la guerre en date du 27 novembre 1747.
  4. État militaire de la France en 1789.