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jour ou l’autre quelque gravité ; elle n’a du moins pour le moment rien d’inquiétant ou d’irritant. Le ministère négociera, comme il a déjà négocié à la suite de ses prédécesseurs, prolongeant, en attendant, une occupation de l’Egypte, qui, à la vérité, ne résout rien, qui laisse tout en suspens aux bords du Nil. Si le gouvernement de la reine n’avait encore, pour exercer son activité, que l’Afghanistan, redevenu depuis quelques jours un objet de polémiques et de préoccupations, il pourrait ne pas trop s’émouvoir. L’insurrection qui a éclaté contre son protégé, l’émir de Caboul, n’est pas un danger bien pressant, et la question de délimitation qui s’agite depuis plusieurs années entre l’Angleterre et la Russie est maintenant transférée à Saint-Pétersbourg. Les commissaires envoyés par les deux gouvernemens ont fait leur travail, la diplomatie étudiera la frontière à tracer sur ce théâtre lointain éternellement disputé entre Turcomans russes et Afghans plus ou moins anglais. C’est une affaire de temps, de patience. Le grand conflit qui doit mettre aux prises l’Angleterre et la Russie en Asie peut traverser encore bien des phases avant de se dénouer. L’impératrice des Indes, la reine Victoria, qui vient de passer quelques jours de villégiature en terre française, sur les bords de la Méditerranée et sur les rives gracieuses du lac du Bourget, n’en paraît pas jusqu’ici plus émue que lord Salisbury à Londres. Avec l’Afghanistan et l’Egypte, on peut vivre encore plus ou moins longtemps sans être en péril; mais avec l’Irlande on n’est jamais en paix, il n’y a ni diplomatie ni temporisation. L’Irlande n’attend pas, elle ne laisse aucun repos ; elle ébranle gouvernement et parlement en les obligeant à s’occuper d’elle. Le ministère, avec son nouveau bill agraire et son nouveau bill de coercition, s’est engagé dans une campagne qu’il ne peut plus interrompre, qui est pour lui une occasion de difficultés toujours renaissantes et de luttes de plus en plus violentes.

C’est la grande affaire anglaise. Elle se déroule au milieu de toutes les péripéties, des agitations d’opinion, des manifestations, des contradictions passionnées, des conflits parlementaires, et elle n’est pas au bout. La majorité ministérielle, composé des conservateurs et des unionistes libéraux, se maintient, il est vrai, et elle unit par avoir raison de toutes les résistances des Irlandais et des libéraux amis de M. Gladstone; mais elle est obligée d’emporter chaque vote d’assaut, et la lutte est aussi dramatique que laborieuse. Depuis un mois que la discussion a commencé et qu’elle se prolonge presque sans interruption, elle n’en est qu’à la seconde lecture, c’est-à-dire au vote du principe du bill de coercition, dans la chambre des communes. Elle est à chaque instant entrecoupée d’incidens imprévus, et les dernières séances ont été marquées par des scènes de la plus étrange violence. L’autre jour, un conservateur, le colonel Saunderson, a cru