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autorité contestée et où la richesse pensa s’honorer en singeant leurs mœurs et leurs manières. »

M. Perry remarque qu’aux États-Unis il en va tout autrement, que la société américaine, acceptant les choses telles qu’elles sont, adore franchement la richesse, et la prend pour l’infaillible mesure de la valeur des individus, tandis qu’en Angleterre, « la snobbishness est un hommage que la ploutocratie rend jusqu’à nouvel ordre à l’aristocratie. » Il faut se défier des apparences et des concessions hypocrites. Le snob n’aspire ouvertement qu’à la respectabilité ; mais il pose en principe que, pour être respectable, il est rigoureusement nécessaire d’avoir un grand train de maison et de remplir envers soi-même une foule de grands et de petits devoirs très coûteux, qu’un gentilhomme pauvre n’est pas un gentilhomme, que la qualité de gentleman est inconciliable avec les conditions médiocres et avec les petits revenus. Il en résulte que, selon l’expression de M. Whitman, une barrière toujours plus haute s’élève dans le Royaume-Uni entre l’homme qui possède et celui qui ne possède pas, et qu’aux yeux du philistin anglais, « la pauvreté est non-seulement un malheur, mais une flétrissure et presque un crime. »

Les philistins anglais sont sujets à beaucoup de contradictions. Ils estiment que la richesse est nécessaire à la respectabilité, et la plupart pensent aussi que, pour être tout à fait respectable, il faut avoir des principes religieux très arrêtés et joindre les pratiques à la conviction. Or, la religion qu’ils professent enseigne qu’il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume des cieux. Le vrai gentleman est tenu d’avoir des rentes, il est tenu aussi de lire souvent la Bible, et, en la lisant, il risque de tomber sur ces paroles : « Comme au lever d’un soleil brûlant l’herbe se sèche, ainsi le riche se séchera et se flétrira dans ses voies. Riches, malheur à vous ! Vos richesses sont pourries. » Le philistin ne songe pas un moment à s’émouvoir de ces terribles déclarations. Le respect de la Bible et l’adoration de la richesse se concilient on ne sait comment dans son cœur; jusqu’à la fin, il continuera de vénérer infiniment le saint livre et d’avoir pour ses écus la plus haute estime, quoiqu’ils soient pourris, et il méprisera le pauvre, bien qui le pauvre ait plus de chances que lui d’entrer en possession du bonheur éternel.

Ces inconséquences révoltent M. Whitman, et il s’en prend surtout à l’église anglicane, dont il dénonce, avec une véhémence pathétique, les préjugés, les accommodemens mondains et la pernicieuse influence. Il déclare « que, née des fureurs adultères d’un roi, elle n’a jamais pu effacer les traces de son impure origine; » qu’Henri VIII, en dépouillant l’église romaine, a dépouillé les pauvres, à qui le tiers des revenus ecclésiastiques était affecté ; qu’en conservant la hiérarchie épiscopale