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le maréchal Valée dans son rapport au ministre ; la France est fortement établie dans la vallée du Chélif ; de grandes communications lient à la Métidja Médéa et Miliana. Le moment approche où les tribus se sépareront de l’émir. » N’était-ce pas montrer beaucoup de satisfaction et beaucoup de confiance ? Le maréchal Clauzel, qu’on blâmait tant, en avait-il naguère montré davantage ? À Paris, on était loin d’être aussi rassuré. C’était le moment où les affaires d’Egypte mettaient la France en contradiction avec la plus grande partie de l’Europe. Les adversaires de l’Algérie ne pouvaient pas manquer de tirer parti pour leur thèse des inquiétudes de l’opinion publique.

Au mois de mai, une commission parlementaire avait proposé la résolution suivante : « Dans le cours de la prochaine session, le gouvernement soumettra aux chambres les conditions de la domination et de l’occupation françaises en Algérie. » M. Thiers s’y opposa énergiquement. « Si la proposition, dit le président du conseil, n’est que l’expression détournée d’un système qui aurait pour résultat d’affaiblir aux yeux de l’étranger ou des Arabes la ferme résolution du gouvernement français de posséder l’Algérie et d’employer toutes les forces du pays, si cela est nécessaire, pour triompher des résistances qu’il y rencontre, je la combattrai de toutes mes forces. Un système d’occupation restreinte, je le déclare impossible. Le traité de la Tafna est la réponse la plus victorieuse au système de l’occupation restreinte. Je crains que la commission n’ait contribué, contre sa volonté, à affaiblir la force morale dont nous avons besoin en Afrique. Tout se sait en Afrique, tout ce qui se dit ici a du retentissement. Je le dis encore, l’occupation restreinte serait une résolution funeste ; ce serait un rêve, une chimère de gens qui ne connaissent ni les hommes ni les choses. » Devant cette déclaration si nette, le plus fougueux des antialgériens, M. Piscatory, ne se contint plus : « L’Afrique, s’écria-t-il, c’est la ruine pendant la paix, l’affaiblissement pendant la guerre. Je croyais à la possibilité d’une occupation restreinte ; j’y croirais encore sans M. le président du conseil ; mais, puisqu’il veut tout conquérir, tout soumettre, tout occuper, je le dis hautement : l’Afrique est un malheur, une folie, et si on doit la pousser hors de toute limite, sans hésiter je suis pour l’abandon. » Avec moins de violence, le général Sébastiani exprima le même sentiment : « Jusqu’à ce que l’on me démontre qu’on est en état de conserver Alger dans le cas d’une guerre en Europe, que l’influence de la France ne serait pas plus grande lorsqu’elle aura la libre disposition de ses forces et de son argent, je persisterai dans mon opinion. »

On attendait le général Bugeaud ; quand il parut à la tribune, l’attention devint grande. Il fut comme toujours énergique, absolu. « Voulez-vous, dit-il, rester imperturbablement en Afrique ? Eh