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IV.

La grande affaire de la province d’Oran achevée tellement quellement, le traité de la Tafna conclu, ratifié, en cours d’exécution, c’est au général de Damrémont, réduit pendant ce temps à la province d’Alger, qu’il nous faut enfin revenir. Un des premiers actes de son administration avait été de rétablir, sous le nom de direction des affaires arabes, l’ancien bureau jadis créé pour La Moricière et de supprimer le titre et les fonctions d’agha; le capitaine Pellissier, qui avait été pendant un certain temps chef du bureau arabe, fut mis à la tête de la direction nouvelle. A peine installé, il fut averti par ses agens indigènes que l’émir Abd-el-Kader venait d’apparaître dans la vallée du Chélif. On a déjà vu, en effet, qu’au moment où le général Bugeaud entamait avec lui des négociations, il s’était dérobé tout à coup et avait disparu vers l’est. Cette excursion rapide avait pour objet et eut pour effet d’affermir dans tout le Titteri l’autorité absolue de l’émir ; toutes les tribus se soumirent à lui payer la dîme ; à Médéa, il fit prendre quatre-vingts des Coulouglis les plus influens, de ceux qui avaient soutenu naguère le bey Mohammed-ben-Hussein, et les envoya captifs à Miliana. Il y eut jusque dans la Métidja des douars dont les députés allèrent lui rendre hommage. Afin d’arrêter cette dérivation à son origine même, le général de Damrémont résolut de punir les gens de la montagne qui avaient donné à ceux de la plaine le mauvais conseil et le mauvais exemple. Il se porta donc, à la fin d’avril, chez les Beni-Sala, qui se dispersèrent, et se rabattit sur Blida, dont la députation envoyée publiquement à l’émir en avait décidé beaucoup d’autres. Le hakem, les cadi, les notables se jetèrent aux genoux du gouverneur et demandèrent grâce pour eux-mêmes, pour leurs familles, pour leurs maisons, pour leurs jardins, pour ces beaux vergers d’orangers et de citronniers qui faisaient la richesse et l’orgueil de leur ville. En effet, si l’on voulait s’établir à demeure dans Blida, le génie réclamait de nombreuses et larges trouées au travers de cette ceinture verdoyante. Le général de Damrémont, dont la proclamation venait de garantir aux indigènes la sécurité de leurs intérêts, ne voulut pas se démentir à l’égard d’une population qui se reconnaissait coupable et implorait sa clémence. Blida échappa donc encore une fois à l’installation d’une garnison française.

Ce n’était pas assez pour Abd-el-Kader d’avoir soumis le Titteri entier à son pouvoir ; ses émissaires avaient pénétré dans les montagnes qui enserrent à l’est la Métidja et propagé le bruit de ses succès parmi des tribus qui n’avaient jamais encore entendu prononcer son nom. De ces rudes Kabyles placés au voisinage d’Alger,