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et pour le moment actuel, affirmait le premier, le traité est passé, il est conclu, ratifié. — M. Molé: Je n’ai pas dit cela. — M. Mauguin : c’est du moins ce que nous devons conclure de la réponse de M. le ministre. Si le traité n’était pas ratifié, il l’aurait déclaré: nous devons regarder comme certain que le traité est ratifié. » Enfin, le 23, c’est M. de Salvandy, successeur de M. Guizot au ministère de l’instruction publique, qui vient déclarer « que le traité, quoiqu’il ne soit pas en tout point conforme aux instructions données, lui a paru, quant à lui, pouvoir et devoir être accepté par le conseil de la couronne. Des explications sont attendues par le gouvernement, et il y a des points qui peuvent n’être pas encore complètement fixés. » La vérité est que, dès le 15 juin, le général Bernard, ministre de la guerre, avait adressé par le télégraphe au gouverneur de l’Algérie la dépêche suivante : « Le roi a approuvé aujourd’hui le traité conclu par le général Bugeaud avec Abd-el-Kader. Le lieutenant-colonel de La Rue part aujourd’hui pour porter cette approbation au général Bugeaud à Oran; il se rendra ensuite à Alger. Je vous enverrai copie de ce traité par le courrier. » Quel commentaire à la convention de la Tafna que ce trouble, ces faux-fuyans, ces dénégations balbutiées du ministère ! Le gouvernement, non plus que le général Bugeaud, n’était ni fier ni satisfait de son œuvre.

Le 12 juillet, le Méchouar fut évacué ; Abd-el-Kader prit enfin possession de Tlemcen. Quelques jours auparavant, le lieutenant-colonel de Maussion écrivait au sujet des Coulouglis qui émigraient de cette ville délaissée en grand nombre : « Toutes les familles riches habitaient ce beau canton. Ce sont tous les fils et petits-fils de beys qui campent à présent sous les murs d’Oran, parce qu’ils ne se fient pas aux promesses de l’émir. La plupart iront à Mostaganem, qui va rester une ville turque, plutôt protégée que gouvernée par nous. Cette émigration de Tlemcen est une occasion de demander la levée des séquestres. A notre arrivée, on a séquestré toutes les propriétés dont les maîtres n’étaient pas présens, c’est-à-dire à peu près les neuf dixièmes de la ville d’Oran. Aujourd’hui, les réfugiés de Tlemcen, qui ont ici presque tous des maisons, sont dehors et réclament leurs habitations ou une indemnité. La justice de cette demande est telle qu’elle fera probablement prendre une mesure générale de restitution. »

Quant aux volontaires qui avaient composé la garnison du Méchouar, ils entrèrent, à la suite de leur commandant Cavaignac, le stoïque, dans les bataillons de zouaves où La Moricière se fit un honneur d’accueillir ces vaillans qu’on appelait dans l’armée « les anciens de Tlemcen. »