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ÉTUDES SUR L’HISTOIRE D’ALLEMAGNE.


-Saxon expriment la doctrine de l’église d’Angleterre. Boniface aurait pu les écrire, car son respect pour les règles de la tradition romaine va jusqu’à ce point qu’il se demande s’il ne vaut pas mieux, pour les païens, mourir dans l’ignorance que d’être instruits par de « faux prêtres. » Il travaille donc de toutes ses forces à déposséder « les hérétiques. » Il n’éprouve pas de grandes difficultés en Hesse ni en Thuringe où il institue ses évêchés ; mais en Bavière et en Allemanie, il se trouve en face d’églises anciennes où le christianisme, florissant au temps romain, avait été rétabli après les invasions par des missionnaires francs et surtout par des Bretons. La Bavière avait d’ailleurs son duc, qui était presque un roi, avec lequel il fallait compter, car il était en relations directes avec le pape auquel il avait fait visite. Boniface emploie trois années à réorganiser cette église désordonnée ; parmi les quatre évêques de Bavière, un seul lui paraît légitime, parce qu’il a reçu la consécration à Rome, c’est Vivile de Passau ; les autres ont été consacrés « on ne sait par qui. » Boniface procède à l’épuration, et il institue de nouveaux évêques à Freysingen, à Ratisbonne et à Salzbourg. Il essaie aussi d’étendre son autorité sur l’Allemanie. Des lettres du pape enjoignent aux évêques de Spire, de Constance et d’Augsbourg de se laisser instruire par le légat « dans la doctrine catholique, » de fuir comme la peste la société des missionnaires étrangers et particulièrement des Bretons ; enfin, de se réunir en concile avec les évêques bavarois. Effacer toutes les dissidences, toutes les particularités, même les frontières des provinces germaniques dans l’uniformité de la règle romaine, telle était la politique du pape et de son serviteur. Elle ne réussit pas complètement ; des évêques dépossédés se maintinrent sur leur siège, et l’on ne voit point que le concile prescrit ait été tenu, mais c’était beaucoup que quelqu’un fût venu représenter dans ces pays l’autorité du pontife, agir en son nom, et préparer la soumission de ces églises locales au chef de l’église universelle.

Boniface était tout occupé de ce soin quand lui arriva d’Austrasie l’appel de Carloman. Alors s’offre à lui un nouveau théâtre plus vaste, plus retentissant, où ses paroles et ses actions auront une plus grande puissance, car les chefs des Francs sont sur le point de devenir les maîtres de l’Occident. Ce n’était pas en Germanie qu’il importait de vaincre le paganisme et l’hérésie pour faire prévaloir l’autorité du prince des apôtres ; la Germanie, à demi soumise déjà par les Francs, était la proie désignée de ces conquérans. Gagner aux doctrines romaines Carloman et Pépin, les fils de Charles Martel, l’onde et le père de Charlemagne, c’était donner le monde à la papauté.