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encore une satisfaction à Constantine, tout se prépare pour que cette satisfaction soit assurée. Concentrer nos forces sur les points les plus importans, pour nous y établir eu maîtres d’une manière absolue et définitive ; livrer autour de nous le sol à la culture et nous enraciner par elle dans la terre d’Afrique ; encourager les entreprises particulières et, en leur assurant protection, couvrir leurs travaux par un cercle impénétrable; agrandir ce cercle à mesure que ces travaux s’étendent; avancer ainsi pas à pas, avec sagesse, mais utilement et sûrement, n’avançant qu’avec la résolution et la certitude de nous maintenir ; faire succéder à l’état de guerre une pacification fondée sur la justice, mais aussi sur la force, une pacification bienveillante et protectrice pour ceux qui l’observent, menaçante pour ceux qui tenteraient de l’enfreindre : voilà désormais la mission réservée à l’administration de ce pays, mission lente et difficile, à laquelle je viens me consacrer. »

Dans cette proclamation, la phrase incidente, la courte phrase sur Constantine, ne répondait pas nettement à l’attente publique; plus excitée qu’après Sidi-Yacoub, qu’après la Macta même, elle réclamait la vengeance immédiate de l’affront subi. Si Ahmed avait été le seul ennemi à combattre, le gouvernement eût probablement satisfait à cette exigence ; mais de même que, l’année précédente, l’expédition de Constantine n’avait pu être entreprise qu’après le coup frappé sur Abd-el-Kader à la Sikak, de même, avant de s’engager de nouveau dans l’est, il fallait, pour être en sécurité dans l’ouest, ou bien que l’émir fût réduit à l’inaction par un nouveau coup de force, ou bien qu’un traité l’amenât à déposer les armes. A qui allait être confiée cette mission de guerre ou de paix? N’était-ce pas au général de Damrémont qu’elle appartenait tout naturellement? Ce ne fut pourtant pas lui qui en reçut la charge. Le ministère avait des ménagemens à garder, peut-être des torts à réparer à l’égard du général Bugeaud: à défaut du gouvernement général, qu’il avait donné à un autre, il lui en offrit la moitié en quelque sorte; car, par une disposition bizarre, ambiguë, pleine de périls, le général Bugeaud, envoyé dans la province d’Oran, y était, pour la partie militaire, indépendant du gouverneur-général, et n’était tenu envers lui, pour la partie politique, qu’à des communications de bienséance. Ainsi apparaissait le dualisme, cette source de conflits dont on avait reconnu le danger naguère. Les deux demi-gouverneurs débarquèrent presque en même temps, au commencement d’avril, Damrémont dans le port d’Alger, Bugeaud à Mers-el-Kebir. c’est à celui-ci, puisqu’il allait traiter les questions les plus immédiatement urgentes, que nous sommes obligés de nous attacher d’abord ; après quoi nous reviendrons au général de Damrémont, au vaillant et généreux soldat dont nous suivrons la trace d’Alger à Constantine.