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LE
PATRONAGE DES LIBÉRÉS

La pensée qui a présidé à la fondation de la société dont je vais parler est tout entière de préservation sociale. Elle est née de nos discordes civiles, au lendemain de la plus impie des insurrections, de celle qui s’est appelée et que l’histoire appellera la commune. Les révoltés avaient bien su ce qu’ils faisaient. En mettant le feu à la préfecture de police et au Palais de Justice, ils anéantissaient « les casiers judiciaires ; » c’est-à-dire leurs titres de noblesse dans le crime et le délit, les documens officiels constatant les condamnations antérieures, les pièces où les magistrats cherchaient et retrouvaient les antécédens des accusés. C’était, en quelque sorte, faire peau neuve et se débarrasser du bagage encombrant des récidives. Le calcul était ingénieux, mais il fut déjoué, car en France l’administration est personne de précaution ; elle sait que les paperasses sont sujettes à s’égarer, c’est pourquoi il ne lui déplaît pas d’en accumuler des quantités considérables ; tôt ou tard, elle y trouve son bénéfice. Par le ministère de la justice, par les greffes de province, il fut possible de reconstituer les documens que l’incendie avait détruits. Les conseils de guerre ne se firent faute de les interroger, et l’on reconnut, sans trop de surprise, que la plupart des fédérés arrêtés les armes à la main, noirs de poudre et gluans de pétrole, avaient, en nombre appréciable, traversé les tribunaux correctionnels et les cours d’assises. On s’en émut, on fit, comme toujours, plus de rhétorique que de besogne; on parla