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viennent, réunissent leurs efforts, non pas pour se rejeter dans une réaction qui ne servirait à rien, mais pour retrouver une vraie politique, pour remettre l’ordre, la prévoyance, la modération, l’activité régulière et réparatrice dans les affaires de la France.

C’est de l’Allemagne qu’étaient partis tous les bruits de guerre qui ont récemment ému l’Europe, et c’est en Allemagne qu’ils sont revenus s’éteindre. La meilleure preuve de l’origine allemande de cette agitation de quelques semaines, c’est que tout s’est apaisé, tout est rentré dans l’ordre le jour où les excitations, les menaces, les polémiques agressives, les nouvelles alarmantes ont cessé de venir de Berlin. M. de Bismarck, par cette campagne des bruits de guerre, avait-il voulu tout simplement aiguillonner le patriotisme allemand et l’intéresser au vote de ce septennat militaire auquel il attachait un si grand prix? Avait-il quelque arrière-pensée plus profonde et plus compliquée? Voulait-il tâter la France, prendre la mesure des dispositions de l’Europe ? Qui pourrait dire son secret? Toujours est-il qu’il a fait son expérience : il a trouvé la France calme, l’Europe peu disposée, selon toutes les apparences, à l’encourager dans des entreprises nouvelles, et comme il avait ce qu’il voulait d’abord, le septennat, il s’est arrêté sans plus d’explications. Après avoir remué ou laissé remuer le monde, il a donné lui-même le signal du désarmement et il est revenu à ses affaires. L’Allemagne a pu célébrer en paix le quatre-vingt-dixième anniversaire de la naissance de l’empereur Guillaume. Le vieux Hohenzollern, qui est depuis près de quatre-vingts ans au service, qui a vu Iéna et la restauration de l’empire allemand en sa personne, a pu voir, il y a quelques jours, autour de lui, les représentans des maisons souveraines et de tous les gouvernemens : l’archiduc héritier d’Autriche, le prince de Galles, les grands-ducs de Russie, le prince de Danemark, le duc d’Aoste, le roi de Saxe, le roi de Roumanie. Il a été fêté par la ville de Berlin, par le peuple allemand, et c’est tout simple : il a fait sans marchander son métier de roi d’une nation ambitieuse. On n’a peut-être pas oublié ce portrait que M. Thiers, avec son art des nuances, traçait un jour de lui : « Un roi ferme,.. ne s’offusquant pas de la gloire des hommes placés autour de lui, mais prenant leur gloire pour la sienne, leur servant de lien, de plusieurs hommes n’en faisant qu’un, et étant parvenu, pour ainsi dire, à rendre à la Prusse le grand Frédéric… » Le portrait est fin et habilement tracé. C’est dans tous les cas un spectacle curieux et rare qu’un prince nonagénaire sur le trône, et l’empereur Guillaume, comblé de jours, était probablement le dernier à désirer une guerre où il aurait pu, en définitive, risquer tout ce qu’il a conquis, tout ce qui est la décoration de sa vieillesse.

Les fêtes de l’anniversaire impérial, et même les agitations guerrières de ces derniers temps, n’ont nullement interrompu du reste l’œuvre intérieure que poursuit M. de Bismarck. Le chancelier en