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REVUE MUSICALE

Théâtre de l’Opéra-Comique : Proserpine, drame lyrique en 4 actes, par M. Louis Gallet, d’après M. Auguste Vacquerie, musique de M. Camille Saint-Saëns. — Théâtre de l’Opéra : reprise d’Aïda.

Parmi les maîtres encore jeunes aujourd’hui, celui dont le cerveau peut-être est le plus merveilleusement organisé au point de vue musical; l’auteur d’abord estimé seulement de Samson et Dalila, du Déluge, d’Henri VIII, trois œuvres hors ligne; l’auteur acclamé enfin avec un juste enthousiasme, d’une admirable symphonie que n’a point écrasée l’illustre et dangereuse tonalité d’ut mineur, M. Saint-Saëns, avec sa nouvelle œuvre, aura surpris un peu tout le monde. Gageons que le public ne s’attendait pas à trouver la grâce et le sourire chez ce musicien, dont il y a quelques années encore on lui faisait peur. En revanche, parmi les docteurs et les scribes, on attendait peut-être de M. Saint-Saëns le type éternellement rêvé du drame lyrique. Lui seul pouvait sembler capable de rompre définitivement avec les vieilles formules, de réduire en poudre les moules usés qui, dit-on, craquent de toutes parts, et d’introduire en France à l’abri de son autorité, de son immense talent, les réformes allemandes. Au fond, croyait-on, M. Saint-Saëns était, plus en paroles qu’en action, un renégat de l’idolâtrie wagnérienne; il finirait par revenir à ce temple, qu’au grand scandale des fanatiques il avait paru quitter, et le jour